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C’est le premier roman de l’auteur, paru pour la première fois en 1989. Depuis il en a écrit d’autres traduits dans de nombreux pays, me glisse-t-on, en avant-première. En 2002, il a reçu le prix Femina étranger pour Montedidio et il est considéré comme un des écrivains les plus importants de sa génération. Tiens donc ! Il est né en 1950, à Naples et vit aujourd’hui près de Rome. Voilà ce que l’éditeur français a cru nécessaire de me faire savoir avant même que je commence ma lecture !Il a peut-être eu raison car je n’ai encore jamais entendu parler de ce romancier ! Mais est-il si nécessaire après tout, ce petit préambule ? Serais-je plus indulgente en sachant l’écrivain déjà reconnu et glorifié par ses pairs? Ce n’est pas si sûr! Le récit doit se défendre seul !Justement de quoi s’agit-il ?
Pour moi, j’y vois essentiellement une autobiographie un peu particulière en ce sens que l’auteur s’adresse à sa mère, celle qui se trouve sur une photographie où on la voit jeune, traversant une rue près d’un autobus. Il s’imagine, lui, déjà âgé à l’intérieur de celui-ci et ne voyant sa mère qu’à travers une vitre. Il remonte le temps et les lieux où ils ont vécu ensemble. Les souvenirs s’entremêlent et se déforment au gré de la mémoire douloureuse du narrateur !
Il en veut à cette mère pour qui ce n’était jamais le bon moment ni le bon endroit pour se laisser aller, vivre, être soi-même dans le feu de l’action, la joie de l’instant, le Hic et Nunc des épicuriens, d’où le titre, cette phrase qu’elle lui opposait sans cesse : « Pas ici, pas maintenant ! ».
Pourtant c’est à Naples qu’ils vivaient, dans cette ville débridée, si joyeuse, violente et folle à la fois où tous les excès se côtoient ! De son passé il ne garde que dix-sept années de vie heureuse : les dix premières, dans leur premier appartement petit et misérable, quand son père le photographiait sans cesse avant qu’il ne devienne aveugle. Puis eut lieu le déménagement dans un appartement et un quartier plus riche où vivaient aussi les Américains d’après-guerre qui restaient entre eux et snobaient tout le monde. L’auteur devint alors mauvais élève, silencieux, il bégayait constamment. Son meilleur ami mourut noyé lors d’un plongeon en apnée, leur principale distraction. Il ne fut heureux ensuite que durant les sept années de son mariage jusqu’à la mort de sa femme, avec lui à ses côtés ! Ils n’ont pas eu d’enfants, ont voulu en adopter mais la maladie les en a empêchés.
Il se dit inadapté à la société dans laquelle il vit comme il l’a été avec sa mère et avoue à la fin de son itinéraire:
« Je sens monter en moi l’impatience et le besoin d’arrêter ce temps de la photo et de l’autobus. »
Pourquoi ai-je choisi ce livre ? Pourquoi ai-je poursuivi ma lecture jusqu’à la fin ?
J’ai voulu comprendre ! Eric De Luca est un de ceux qui ont adhéré au mouvement d’extrême gauche Lotta continua en Italie durant ces années terribles d’après 68 où on abattait comme des chiens les opposants à ses propres idées politiques mais de cela il n’est pas du tout question dans ce récit !
Pas ici, pas maintenant, de Erri De LucaTitre original : Non ora, non qui, traduit de l’italien par Danièle Valin(Gallimard, 2008,127 pages)