Clos d'un jour, le Cahors réinventé ?

Par Eric Bernardin


Ca devait bien arriver un jour.
Cinq ans que je me disais "il faut que j'aille les voir". Mais bon, ce n'était jamais le bon moment : trop loin, pas le temps, tellement de choses à faire plus urgentes... Et puis, d'un seul coup, tout semble favorable. D'abord un compte-rendu qui me rappelle l'existence de ce domaine. Du temps à n'en savoir que faire. Des trouvailles à dénicher pour le bar à vins. Et puis je me suis aperçu en consultant Mappy que le domaine était à 1h de la maison (je ne voyais pas l'appellation Cahors si proche) !!!

J'ai donc appelé pour prendre rendez-vous. Demain 10 h ? OK. Tant qu'à faire, pourquoi ne pas aller voir  un autre domaine cadurcien que je m'étais également promis de visiter ? P'tit tour sur Mappy : il est à 7 kilomètres !!! La vie elle est pas belle ? Je l'appelle pour passer en début d'après-midi. Là aussi, c'est OK. Je regarde vite fait quels autres domaines se trouvent à proximité :  PLEIN ! Ce secteur est une véritable mine de talents. Mais pour les autres, je verrai sur place, n'étant pas maître de mon timing.

J'arrive donc à 10 heures. Stéphane Azémar m'accueille et m'emmène faire un tour dans les vignes. Si le label bio n'est pas revendiqué, le désherbage est mécanique et les traitements à base de cuivre, de soufre et de plantes (prêle, ortie...). La taille du domaine est volontairement limitée à 6 hectares afin de lui garder une dimension humaine (à savoir gérable par lui et son épouse Véronique).
Cela va faire 10 ans que le couple a repris le domaine du port pour en faire le Clos d'un Jour. Ils n'étaient pourtant pas prédestinés à ce métier : Stéphane a fait des études d'architecture, Véronique d'histoire de l'Art. Retour donc à l'école pour un BTS viti-oeno, puis quelques expériences formatrices chez d'autres en vigneron. En 2000, ils se sentent prêts à produire des vins qui leur ressemblent.

Si l'ambiance qui règne au domaine est loin de celle d'un grand cru, les travaux à la vigne et au chai y ressemblent : effeuillage, vendange en vert,  petits rendements, cueillette manuelle, raisins transportés en cagettes, remplissage des cuves par gravité, pigeage, longue macération post-fermentaire à 27°, puis élevage de 18 mois en barrique ou ... en jarre de terre cuite ! Si, si, vous avez bien lu ;o)

Ces jarres de 140 litres ont en commun avec les barriques d'être poreuses et de permettre une micro-oxygénation naturelle du vin. Par contre, elles ne "parfument" pas le vin et ne lui apportent aucun tannin supplémentaire. Aussi est-il possible de préserver le fruit et la texture du vin d'origine dans une matière proche de la terre où la vigne à poussé. Un retour aux sources, en quelque sorte.

Direction la salle de dégustation pour découvrir les différentes cuvées.

L'ambiance est vraiment sympa : j'aime beaucoup !

Tout un art de ne pas être sophistiqué...

Nous démarrons avec Un jour sur terre 2007 (le vin élevé en jarre, 100% malbec) : la robe est intensément violacée. Le nez est envoûtant, plus proche du jus d'un grand parfumeur que d'un vin : fruits noirs confits, violette, épices exotiques. Pfioouuuu!!! En bouche, le vin forme au départ une boule très dense qui prend vite de l'ampleur et envahit chaque recoin de votre palais. Une petite bombe aromatique à la texture veloutée, charmeuse, à l'intensité vibrante, se prolongeant longuement en finale. Waoh!!! Jamais bu un Malbec pareil, en France ou en Argentine, sa terre d'adoption. Je vais d'ailleurs me resservir deux fois pour être sûr que je ne rêve pas...


Les observateurs me verront dans la bouteille....

Nous passons à Un jour 07 (le vin élevé en barriques, 100% Malbec lui aussi). Le nez est proche du précédent, un plus précieux et raffiné, perdant du coup la spontanéité du vin précédent. La bouche semble plus dense, plus tendue, enrobée par une fine gangue boisée. Idem pour la finale, imposante, mais marquée par la barrique. Elle a certes rajouté un supplément de matière au vin, mais du coup, il doit  prendre le temps de la digérer (même si ça reste très élégant et civilisé). Stéphane Azémar me disait que ça devrait déjà aller mieux au Printemps. Mais d'ici deux ou trois ans, ça devrait être un vin superbe !

Je n'ai pas bu ce 2002 du Clos d'un jour que j'ai photographié. C'est juste pour illustrer ;o) Il n'y en a actuellement plus à la vente. Il faut dire que cette entrée de gamme du domaine (85% malbec, 15% merlot, élevage en cuve béton) s'arrache comme des petits pains et qu'elle est épuisée en quelques semaines...

Voulant tout de même la goûter, j'ai eu droit à un échantillon du 2009, prélevé directemnent à la cuve (malo non faite). Là, on comprend pourquoi les Anglais appelaient le Cahors le black wine. Malgré le froid, le nez est explosif, intense (mûre, sureau, prunelle, épices). En bouche, la concentration est vraiment impressionnante, avec un équilibre et une fraîcheur remarquables, ... alors que le bébé pèse 16.5° d'alcool !!!! La finale est tout aussi époustouflante ! Lorsqu'on voit la matière encore très brute, on imagine le joyau qui va en sortir. Très prometteur ! Il faudra être patient : la sortie se fera dans un peu plus d'un an...

Assurément un domaine à suivre. Les trois autres visités dans la journée produisent des vins intéressants, mais plus proches de ce que l'on peut goûter habituellement sur Cahors. Ici, on est dans un autre monde et bien malin celui qui pourrait trouver à l'aveugle l'origine de ces vins...

Merci à Stéphane pour son accueil :o)

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