Tiens, Isabelle m'a taggué depuis un moment sans que je ne réponde. Je mets à profit un petit temps de tranquillité pour répondre.
Je n'ai pas d'idée forcément claire et définie de ce qu'est le bon prof. Je pense qu'il en va de la profession d'enseignant comme de toutes les autres. Une majorité ordinaire, une minorité pas fameuse voire nulle, et une minorité encore moindre excellente.
Quelles qualités doit avoir un enseignant ?
La première d'entre elles, à mes yeux, c'est l'humanité, c'est à dire la bienveillance. A fortiori quand l'enseignant s'occupe d'enfants, et plus encore quand ces enfants sont vulnérables (les plus petits en particulier, les enfants «différents», ou encore handicapés.
Être bienveillant, c'est une bonne chose, mais pour pouvoir exercer cette bienveillance, il faut aussi de l'empathie, c'est à dire pouvoir ressentir ce que l'autre ressent. Je pense que c'est très difficile, pour un adulte, de comprendre un enfant s'il ne se souvient pas de l'enfant qu'il a été. L'empathie est la forme la plus élémentaire et innée de la psychologie ; elle peut se travailler en étudiant la discipline ad hoc.
Ensuite, idéalement, la patience est une qualité majeure : pour pouvoir répéter, reprendre, expliquer, accompagner chaque enfant à son rythme, oui, je le crois, il faut être patient.
Tout comme Maria Montessori, je crois que les enfants aiment naturellement l'ordre, car l'ordre les rassure. Un enseignant ordonné ne sera pas forcément apprécié de ses étudiants, car il faut d'autres atouts pour cela, mais, très certainement, il leur offrira un cadre solide pour évoluer ; les terrains mouvants ne sont pas propices à ceux qui font leurs premiers pas, et, me semble-t-il, c'est le cas de chaque âge de l'enfance, à la mesure des découvertes qui lui sont propres.
Au-delà des qualités morales, viennent ensuite celles qui sont de nature disciplinaire : il faut être maître en sa discipline pour pouvoir prendre des risques dans le choix de sa pédagogie. Donc, plus l'enseignant est formé et maîtrise les arcanes de son savoir, plus il peut de choses différentes, et l'aborder sous des angles multiples. Sacrifier le savoir disciplinaire dans les concours sous prétexte que la pédagogie serait première, opposer didactique et pédagogique, c'est une très grave erreur. Je pense donc qu'un agrégé a plus d'opportunités (même si ce n'est pas une fatalité) d'être meilleur enseignant qu'un certifié, a fortiori qu'un contractuel.
Tout comme Isabelle, je crois à l'éducabilité universelle, mais pas à la caricature fumeuse qu'en a faite la gauche. Je crois que chaque enfant peut-être éduqué, mais, là encore, tout comme Maria Montessori, je tends à penser que la nature (Dieu si j'étais croyant) a son plan secret pour chaque enfant. Tous les enfants passent à un moment donné par des étapes qui leur sont communes, comme des balises, mais, le chemin qu'ils empruntent leur est propre.
L'Éducation de masse s'oppose donc à ces parcours individuels, parcours diversifiés que le MoDem aborde dans son programme sans oser le développer jusqu'au bout, tant, s'il fallait poursuivre le raisonnement jusqu'à son terme, tout le système scolaire sur lequel notre éducation nationale repose viendrait à s'effondrer.
Un enseignant qui n'imagine pas que chaque être puisse être éduqué ne peut pas, à mes yeux, être un enseignant. J'en profite, d'ailleurs, pour regretter le terme même d'éducation : éducation vient du verbe duco, en latin, qui signifie guide, conduire. L'étymologie même du mot sous-tend une nécessaire substitution d'une volonté extérieure à celle de celui que l'on éduque. C'est quelque chose qui me gêne et qui m'a toujours gêné. Je préfère de loin les vues de Maria Montessori, chargeant l'adulte de préparer l'ambiance, l'atmosphère bienveillante, qui permettra à chaque être de construire l'homme, la femme qu'il doit être un jour, de développer l'embryon spirituel qu'il est à sa genèse.
A ce stade, je dois admettre que je ne suis plus dans la réalité, mais dans l'idéal ; un enseignant, nous, parents, adultes, ne devrions pas être des éducateurs, mais des accompagnateurs chargés de la plus noble mission qui soit : garantir à l'enfant dont nous avons la charge les conditions optimales pour que sa volonté secrète puisse réaliser ses propres desseins, absorber les connaissances comme l'éponge psychique qu'il est à l'état naturel.
Je crois, et là encore, je rejoins Maria Montessori, que dans sa petite enfance, l'enfant détient des pouvoirs et des aptitudes extraordinaires qu'il n'aura plus jamais par la suite, dans son existence. Loin de contrarier ces aptitudes, nous devons prendre conscience des périodes sensibles où elles se manifestent, et ne rien faire pour les contrarier.
Je m'égare, finalement, mais je conclurai en ajoutant une dernière qualité, à propos du bon prof : il ne doit pas juger son élève sur ce qu'il est, mais sur ce qu'il fait, car seuls les actes peuvent être jugés. Pour la même raison, il doit respecter son intimité, parce que cette intimité participe de son être (dire des notes à voix haute, sans l'accord de l'enfant, par exemple, cela peut être humiliant ou occasionner un gêne). Pour moi, cette dernière condition a un nom : cela s'appelle le respect.
J'aurai un dernier mot sur l'école inclusive qui est chère à Isabelle : oui, et mille fois oui. Sans être la panacée, voilà un concept qui interroge et examine les apprentissages non sous l'angle de la faisabilité mais sous celui de leur accessibilité à chaque enfant. Non pas pour écarter tel ou tel apprentissage, mais bien pour trouver le chemin particulier qu'un enfant empruntera pour se l'approprier.