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Après la tempète, soleil au beau fixe pour Sunéor

Publié le 13 novembre 2007 par Satyam Dorville

2007 l’année Suneor ? Certainement, au regard de l’actualité de cette entreprise agro-alimentaire sénégalaise dont l’activité repose sur la transformation de l’arachide locale en huile et le raffinage d’huiles végétales importées; elle a, en fait, beaucoup fait parler d’elle ces derniers mois, dans son pays d’origine et en France.

Le 1er janvier dernier la Sonacos devenait Suneor (notre or en wolof, langue officielle du pays avec le français) et tournait ainsi plusieurs pages. Tout d’abord celle de l’époque où l’entreprise était publique, en effet depuis 2005, la privatisation a abouti et le repreneur le français Advens, spécialiste du négoce agricole se devait d’insuffler une nouvelle dynamique. Ensuite, le changement de nom peut aussi être interprété comme une manière de conjurer le sort qui a voulu que ces dernières années les mauvais résultats s’enchaînent pour l’entreprise, pourtant l’un des géants de l’agro-industrie sénégalaise. Enfin, et c’est ce qui nous intéresse ici, une toute nouvelle stratégie de communication a été menée tout au long de l’année.

Deux batailles simultanées sont lancées par Suneor en 2007, l’une au Sénégal, son marché domestique et l’autre en France, son marché traditionnel d’exportation, pourtant l’arachide n’a plus la cote dans l’Hexagone et ce, depuis de nombreuses années. Il était donc grand temps de déclencher une offensive pour tenter de mieux se positionner face notamment au tournesol ou au colza. La reconquête du marché français opérée par Suneor recouvre plusieurs éléments :

*la mise en place d’un comité scientifique qui regroupe des experts indépendants dont la mission est d’identifier les propriétés nutritionnelles de l’arachide,
*l’organisation, à Paris en mars dernier, d’un atelier destiné aux professionnels du secteur sur le thème de la filière arachide en Europe,
* la création d’un blog le goût du Sénégal pour promouvoir le label Sénégal et l’huile d’arachide auprès des consommateurs français.

Ces trois opérations s’inscrivent dans la stratégie globale de Suneor qui vise à changer l’image de l’arachide en France. Suneor ne met pas pour autant toutes ses « graines » dans le même panier et développe aussi ses débouchés vers d’autres destinations, Etats-Unis et Chine en particulier.


Document 1

Parallèlement aux efforts consentis pour l’export, qui totalise 98% des ventes, Suneor ne peut pas négliger le marché local sur lequel elle est présente avec les marques Niinal et Niani pour l’huile. L’entreprise a largement communiqué sur le changement de nom et les Sénégalais sont maintenant coutumiers de cette pratique. En 2006, ce sont les opérateurs de téléphonie mobile qui ont lancé la mode Alizé étant devenu Orange, et Sentel Tigo ; et il y a quelques mois le Crédit Lyonnais est devenu Crédit du Sénégal.

En Mars, Suneor a mis en pratique des techniques de relations publiques et ainsi paraissaient à quelques jours d’intervalle dans les médias sénégalais (APS, Walfadjiri, Le Matin, Sud Quotidien, Le Soleil) plusieurs articles sur l’entreprise; en juillet le supplément économie de trois pages de Jeune Afrique l’Intelligent était consacré à « l’arachide, la stratégie de Suneor ».


Document 2

L’entreprise n’oublie par pour autant de s’adresser à sa cible, l’opération de séduction de la ménagère sénégalaise a pris la forme d’un jeu télévisé qui s’est déroulé du 7 mai au 1er juillet, chaque dimanche en direct sur 2STV (chaîne privée sénégalaise) avait lieu à 19h30 le tirage au sort de la tombola Allo Million doté d’un lot de 1 million de francs cfa (1500€). Pour tenter sa chance, il suffisait d’échanger ses preuves d’achat à l’un des stands Niinal installés sur les marchés les plus importants de Dakar, de sa banlieue et dans les régions. Suneor a mis les moyens pour informer la population de cette loterie en multipliant les affichages et les spots télévisés, pour preuve, Suneor entre directement à la 6ème place du top 10 des annonceurs TV en mai. Cependant, le jeu n’a visiblement pas le succès escompté et on peut avancer plusieurs explications à cela. Les modalités de participation n’étaient pas adaptées, l’échange des preuves d’achat nécessite de conserver les emballages des dosettes ou les étiquettes des bouteilles ce qui n’est pas une habitude ici. Ensuite, les jours fixes soit les jeudi, vendredi et samedi, pour Dakar par exemple, limitent les possibilités d’échange et créent des files d’attente qui découragent les participantes potentielles. Par ailleurs, les stands n’étaient pas assez nombreux pour chaque zone. Enfin, ce concept tout nouveau n’a pas peut-être pas été bien compris par les Sénégalaises de classe modeste à qui cette opération s’adressait. On a pu, en tout cas, s’étonner de découvrir dans le mensuel gratuit Waaw de juin, trois pages pour ce jeu Niinal, voir le document 1 « avec Niinal devenez millionnaire », (photos des échanges de coupons et de la première gagnante du tirage au sort) et le document 2 encart publicitaire (identique à l’affichage réalisé par l’agence Mc Cann Erickson à Dakar). Ces insertions représentent un investissement conséquent (environ 2000€ d’après nos estimations) dans un magazine lu par la communauté étrangère et la classe aisée sénégalaise qui ne regarde pas la télévision locale et ne fait pas ses courses dans les marchés populaires, Suneor, voulait sans doute apparaître partout, même si cela signifiait quelques contresens. On note qu’à la fin du jeu, la présence médiatique s’essouffle, à partir du mois de juillet, Suneor disparaît du top 10 des annonceurs TV.


Document 3

Suneor revient sur le devant de la scène, au départ assez involontairement lorsque le 23 octobre, l’entreprise décide d’augmenter le prix de l’huile sur le marché local, cette mesure décriée par la population, les syndicats et la presse dans les jours qui suivent, pousse l’entreprise à diffuser dans la presse un communiqué expliquant que cette augmentation longtemps reportée était inévitable (voir document 3). Mais le mal est fait, et après la récente hausse des prix du riz, du lait, du carburant, du gaz et de l’électricité, la population a du mal à digérer ce nouveau coup. La grogne monte et Suneor revient sur sa décision, en diffusant dans la semaine du 5 novembre un nouveau communiqué (document 4), la dosette de 25cl, conditionnement plébiscité par les consommateurs, voit son prix revenir à 250 fcfa (0,38€) au lieu de 275 cfa suite à l’augmentation. Cette annonce arrive en même temps qu’une nouvelle d’importance, les récoltes d’arachide pour la saison 2007 sont en baisse et couvriront à peine les besoins des industriels. Il est vrai que Suneor doit également compter avec les fortes variations dans les quantités d’arachides récoltées au Sénégal ces dernières années.


Document 4

Malgré sa position de leader sur le marché, Suneor, ne peut pas se permettre l’attentisme, les concurrents sont nombreux et actifs, Lesieur (nombreuses références sous la marque Lesieur et aussi Oleor et Huilor des huiles standards) est très présent dans les linéaires des supermarchés et supérettes. Les deux entreprises ont d’ailleurs un contentieux ensemble, en 1975 c’est Lesieur qui nationalisée devient Sonacos et plus récemment, Lesieur coiffé sur le poteau par Advens dans le cadre de la privatisation, avait gelé ses importations d’huile brute ce qui avait plongé la Sonacos dans une situation délicate à l’époque. Le secteur informel, alimenté en partie par la production locale, est aussi une variable à prendre en compte. Si 2007 était l’année Suneor, 2008 devra l’être aussi et ce n’est pas les défis à relever qui manquent notamment en raison du poids de la filière dans l’économie du pays.

Marjolaine BLANC

10/11/07


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