J'ai répondu présent à une invitation des vignerons bio de Champagne pour le salon Bulles en Bio (compte-rendu à venir). Seulement, il est difficilement envisageable de faire l'aller-retour Fécamp / Epernay dans la journée. Aussi ai-je procédé par étape. A l'aller, chez des passionnés de Champagne à deux pas du Trocadéro, au retour chez un chanteur-voyagiste-poète (cf mon post précédent).
Pour le repas chez Claire et Julien, nous nous sommes partagés le travail. J'ai ouvert les huîtres, Julien les bouteilles de Champ', et Claire notre appétit avec des jolies mises en bouches (noter le double zeugma).
Le premier champagne est une rareté puisqu'uniquement composé de Pinot Blanc (non, ce n'est pas une faute de frappe). L'Originale de Pierre Gerbais a vieilli 4 ans sur lattes (vendange 2006, bouteille dégorgée en 2011). La robe est dorée, avec de fines bulles. Le nez est assez discret, mais il me rappelle bien les Pinots Blancs bus en Alsace, avec une touche briochée en sus. En bouche, c'est la rondeur et la fraîcheur qui dominent, avec une finale à la mâche gourmande. C'est très sympa, d'une buvabilité terrible, mais il lui manque la tension nécessaire pour un faire un grand vin. En tout cas, avec les tartines au radis croquant, c'est absolument impeccable ! A noter que dans le dernier numéro du Web Journal du Champagne (écrit par Claire et Julien), il y a un grand article sur la maison Pierre Gerbais.
Sur les huîtres, nous passons à un deuxième champagne : l'Expérience "blanc de Blancs" d'André Jacquart. Et l'on rentre clairement dans un autre monde. Déjà, le nez est explosif, sur des notes de noisettes et pain grillés, et moultes épices. Et en bouche, c'est tendu de chez tendu. Pour reprendre la terminologie devenue célèbre d'Hubert de Montille (dans Mondovino), on peut qu'autant le premier vin était plutôt large, celui-ci est long. Avec même un côté étroit, concentré comme un rayon laser qui vous traverse le palais. La matière est d'une densité impressionnante, avec une finale puissante et sans concession. Ce champagne peut donc tout autant fasciner que rebuter (un peu comme le Laphroaig dans l'univers des whiskies). Moi, j'aime (fô dire j'adore le Laphroaig).
Avec des crevettes (non photographiées) on passe à un Riesling 1988 de Fernand Mischler.(amené par votre serviteur). Le nez évoque l'encaustique, le sous-bois, l'écorce d'agrume. Mais c'est surtout la bouche qui interpelle, à la fois douce et aérienne, d'une jeunesse insolente. La finale n'est pas très longue, encourageant encore plus d'en prendre une gorgée / un verre supplémentaire pour vivre à nouveau un instant magique – et hélas trop éphémère.
Une sauce orange / badiane maison permet de faire le liant entre le vin et les crevettes.
Avec le Tournedos Rossini, un champagne n'aurait pas forcément collé. Ca tombe bien : j'ai amené une bouteille de vin rouge : un Domaine de l'A 2005 (Côtes de Castillon). J'avais lu il y a peu qu'il sortait de sa phase de fermeture. A l'ouverture, j'ai trouvé que c'était encore très prématuré (j'ouvrirai la prochaine dans 10 ans, je crois). Si le nez a beaucoup de charme (fruits noirs à foison, épices, moka), la bouche est encore trapue (mais au potentiel indéniable). Le miracle de la cuisine (et d'un carafage de deux heures), c'est qu'elle a rendu de suite le vin beaucoup plus civilisé, et que finalement le mariage se fait très bien avec le boeuf. Mes amis qui ne sont pas très Bordeaux l'ont bien apprécié.
J'assume entièrement le dessert, préparé en partie la maison (les madeleines et la mousse au chocolat au siphon) et finalisé sur place. Le mariage se fait très bien avec un liquoreux que j'ai amené dans mes bagages : le Palais d'Or 2007 du domaine de Bouillerot (côtes de Saint-Macaire). Sa robe est d'un bel or. Le nez évoque l'ananas, la poire et l'orange confite. La bouche est d'une belle richesse, mais sans aucune lourdeur grâce à une acidité discrète mais efficace. On ne sent pas du tout les 160 g de sucres résiduels.
L'air de rien, quand on se couche, il est plus d'une heure du mat'. De la rigolade si on faisait grasse mat' le lendemain. Mais ce n'est pas le cas : lever à 6h30 pour partir au plus tard à 7h30 de Paris et affronter les bouchons. Ceci dit, après un repas pareil, on s'endort à peine la lumière éteinte...
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