A l’Opéra de Paris, le directeur donne carte blanche à Anselm Kiefer en pleine déréliction.
Donner les clés de la maison à un artiste plasticien. Pourquoi pas ?Gérard Mortier l’avait promis, il l’a fait en commandant à Anselm Kiefer, ce plasticien allemand rompu au théâtre et riche de référence ("il a travaillé avec feu Klaus Michael Gruber") Mazette ! Les choses partaient bien en dépit du peu de public (qu’on avait pourtant tenté de faire venir à grand renfort de places à 5 euros).Une carte du Croissant fertile qui descend des cintres. La voix chaude du pensionnaire de la Comédie Française Denis Polydalidès qui emplit l’espace de notre imaginaire en réserve en ce mois de juillet pourri. L’explication passionnante de strates superposées de ruines provoquées par les méchants de la région sur plusieurs siècles d’Antiquité. Puis le rideau qui se lève sur des ruines et des décombres qui ont le mérite au moins de nous faire découvrir la profondeur impressionnante de la scène de Bastille. Au moins trois terrains de foot dirait Guillaume Durand grand amateur d’opéra. Des ruines en enfilade d’où sort une récitante (Geneviève Boivin) remarquable (voix posée, sans effet mais pas sans souffle) Geneviève Boivin, erreur de casting pourtant (Huppert a quitté le navire because Cannes, Dominique Blanc itou because intentions pas claires du metteur en scène)quant aux figurants ils ont peur de balayer les poussières volatiles du spectacle du désastre.Sont-elles toxiques ou sont-elles pas toxiques ? comme on l'entend sur les forums. Boivin, on retiendra ce seul nom. La jeune femme de sa voix recto tono lit remarquablement les passages bibliques de l’ancien testament et sauve en partie ce spectacle éprouvant, cette déambulation sinistre en quête de messie.Dès le début donc.
Pas très Kiefant!
"Ma pièce s’appelle "Am Anfang" parce qu’elle commence par la fin "précise le bâtisseur de tours en ruines.Et de fait, on n’aura jamais vu autant de spectateurs partir...avant le début ! Mais foin d’ironie. Le spectacle souffre de problèmes majeurs qui n’ont pas été réglés en amont. Le texte est souvent inaudible et quand il ne l’est pas , paraît étrangement déplacé dans cet univers de décombres en enfilades. En dépit qu’il se défende de l’aspect religieux Kiefer l’agnostique laisse entendre un message théologique qui ne concerne que ceux qui veulent bien se sentir concernés par la foi. Pour les autres, pas d’autre alternative que subir comme un calvaire ce soliloque qui évoque le temps des bourreaux, l’impossible reconstruction, le retour du même , la promesse de l’arrivée de nouvelles Bêtes immondes... L’homme ne sait pas pardonner. Quand l’un recolle les morceaux, l’autre vient fracasser à nouveau l’objet recomposé. Un fatalisme bien déprimant que ne réveille pas la musique contemporaine de Titus Engel un jeune compositeur aux accents de Weber. Sans doute aurait-il mieux valu, comme le souhaite l’auteur, que les spectateurs déambulent sur le plateau comme dans une exposition mais ce choix a été impossible pour des raisons de sécurité. De la salle, le décor ressemble à un remake de la Planète des Singes ou à celui de Mad Max 5, une fiction américaine. Une fois posé, on a l’impression que plus rien ne va se passer. Et plus rien ne se passe en effet. Mon tout est bien indigeste...