"Les mots sont des planches légères jetées sur un abîme avec lesquelles on traverse l'espace d'une pensée et qui souffrent le passage et non point la station. "
Dit comme cela, c'est beau.C'est même magnifique . C'est du Paul Valéry. Cochon qui s'en dédit. Avec un talent d'acteur magnifique , Fabrice Luchini ressasse , répète, se gargarise , s'approprie...Il danse le texte , d'une danse nietzchéenne libérée de la pesanteur de la lourdeur d'un époque qui ne sait plus prendre le temps de lire. Dans la salle , les fidèles prennent des notes oubliant que le livre peut être lu ailleurs qu'ici. Fort de ces "vendanges tardives" (il fait vivre Barthe au moins trente ans après sa mort) il nous fait vivre aussi (il faudrait dire partager) sa relation avec Flaubert, Baudelaire et tout ce qu'il peut du Lagarde et Michard. Il réveille nos bibliothèques endormies, missionnaire libertaire de la culture avec un grand C. Luchini est drôle et sait mettre les lecteurs de son côté. Même si ceux qui lisent déjà beaucoup s'étonnent qu'ils ne parlent pas des écrivains méconnus de l'époque. Mais peut-être ne sont-ils pas dignes de rentrer dans son panthéon. Pour Luchini, la vie est une citation dirait Borges. Il cite mais ne crée pas . Luchini ne sort -il pas de son rôle au fond? Car que fait-il sur cette scène notre histrion superbe. Il lit quelques fragments de textes parfois difficiles qu'il simplifie en répétant beaucoup(pour en faire entendre la beauté ou pour faire comprendre?). Il parle de sa vie. De sa rencontre avec les livres. De ses tournages (à partir de roman moyen-âgeux) comme Perceval, si drôlement. De ses rencontres avec des analystes de livres.Il sort de son rôle d'acteur comme un journaliste qui ne parlerait plus des faits mais lancerait un appel à la générosité lors même qu'il couvre un tsunami. Il moque l'inculture des politiques qui ne les lisent pas ces livres.Il peste contre le théâtre de banlieue, Télérama ce journal qui ne donne pas d'envies ni d'avis.
Il moque l"hétéro de base "qui lit l'Equipe tous les jours et qu'il perd dans les méandres d'une trope intello. Il danse pendant deux heures, nous amuse, se goberge des oeuvres d'autrui en les faisant connaître un peu (pas très sérieusement). Parle-t-il de lui et nous dit-il tout sur Robert ? Pas vraiment.
Il se planque Robert !
Il joue avec le public car comme grand faiseur il sait comme le lui a enseigné Michel Bouquet son maître, que le public est joueur...Que le public ne vient pas pour le voir jouer mais pour jouer aussi. Dans les deux sens du mot. Alors il joue.
Il joue avec les mots des autres.Mais qui est Robert? Auteur? Répétiteur chez Académia? Dictionnaire de citations? Collectionneurs de bons mots?
Il danse, il danse...Une fois le spectacle terminé on se sent plus intelligent mais c'est une illusion...
du 22/12/2009 au 31/12/2009 à l’Espace Pierre Cardin à Paris