Les choix du service public sont de plus en plus indéfinissables. Dans la même semaine les chaînes publiques ont fait dans le culturel (au sens propre).
D'abord avec douze hommes en colère (critiqué dans ce blog et dont je reproduis ci-dessous le texte intégral)
Dans la même veine et la même semaine, France 2 diffusait le Camus de Laurent Jaoui .Une télé biographie dont on se demande à quoi elle sert.
Dans ce "sommet" l'image de notre grand écrivain se limite à :
(l'ordre des précocupations est respecté) 1) le pauvre Albert a une femme zinzin 2) c'est un cavaleur 3)il fume tout le temps même tubar 4)sa mère est une grosse pied-noir inculte qui aujourd'hui n'arriverait pas à remplir ses chèques emploi-service d'aide ménagère. 5) Petit , il était pauvre 6)la femme de Michel Gallimard et son mari éditeur-homme pusillanime- vivent comme des moules(*). 7)il était copain avec Sartre (joué par un des DESCHIENS) mais ils se sont fâchés car il a tenté de désesperer Billancourt. 8)Les femmes qui l'entourent pèsent sur son oeuvre comme sur ses nerfs. C'est immense. Les acteurs sont bons mais ils l'auraient été aussi dans "Plus belle que moi tu meurs , la vie ". Aucun journaliste spécialisé dans les médias audiovisuels (cette nouvelle engeance qui sévit dans Pifpaf, l'émission qui tape dans le paf mais collusionne plein pot avec les patrons de chaîne que sont les animateurs)ne fera la moindre critique.
Merci le service public. S'il n'existait pas on aurait que des jeux à la télé.
Pour son anniversaire , Albert est servi.
(+)à noter aussi la capacité impressionnante d'anticipation de l'oeuvre de Camus qui de son vivant est capable de classer son oeuvre en plusieurs périodes du type : " une période absurde, une période "politique", une période engagement" etc. Et pourquoi pas une période "scato" ou une période "Cacolac"?
Douze hommes en colère et un treizième dans la salle
Que peut faire un directeur de théâtre aujourd'hui pour remplir sa salle ? Il n'a pas beaucoup de choix.S'offrir une tête d'affiche bien popu pour voir son théâtre se remplir de piliers du comité d'entreprise, de retraités amenés en autocars par les mairies complaisantes, de quidams disciples adhésifs des shows télévisés . Pour séduire ce public éclectique qui va au "spectacle" une fois par décade, le même directeur de salle et metteur en scène(tant pis s'il est bon) choisit une pièce accessible et même déjà connue (ça aide à la compréhension) et ce, même si les interprètes d'origine ne jouent pas dans la même cour. C'est ainsi qu'on a pu voir sur les scènes parisiennes Patrick Bruel remplacer Michael Caine ou Jacques Weber se glisser dans le rôle de Laurence Olivier. Plus récemment c'est Michel Leeb qui occupe le rôle du Henri Fonda des "12 hommes en colère" . Un rôle moral à forte valeur déontologique ajoutée.Un rôle d'actu avec cette "affaire " d'identité nationale qui réveille la réflexion sur le racisme de comptoir.Quoi de plus naturel que le choix de Leeb pour ce rôle après des années de roulement d'yeux et de mimiques africaines post coloniales ?Dès son entrée en scène et même s'il joue un rôle grave, la moindre mimique de l'imitateur de Jerry Lewis déclenche un éclat de rire (on ne se refait pas une virginité dramatique en deux temps trois roulements).Aussi le comique en fait-il des tonnes pour paraître sérieux Le bon metteur en scène Stéphane Meldegg n'a pas mégoté sur les partenaires de l'idole.Un casting ahurissant d'anciens de la télé de papa d'André Thorent à Pierre Santini en passant par Jacques Echantillon. On se croirait dans les débuts de la télé en noir et blanc.Entre Courrier pour hommes de Picardie et dernières nouvelles d'alsace.
Devant tant de talent on se prend à penser à penser ce que Christian Barbier (hélas disparu) aurait pu donner dans Cris et Chuchotements ou encore Pierre Mondy dans les frères Karamazov. Raymond Souplex n'aurait -il pas été magistral en Joseph K et Victor Lanoux formidable en Lancelot de Bresson ?
Aujourd'hui, hélas tout est possible. Bigard joue Molière, Elsa Zylberstein Hannah Harendt , Miller s'invite dans les pièces de néo boulevard de Ruquier, un animateur de télé qui se dit grossier comme Baffie s'improvise auteur dramatique et le pire est sans doute à venir. Qui sait ? Steevie remplacera peut-être demain Anthony Perkins dans Psychose , Evelyne Bouix sera Anais Nin et pourquoi pas Arielle Dombasle dans le rôle de Mme Althusser?
Il y a de quoi être un peu en colère ! .
Douze hommes en colère de Réginald Rose au Théâtre de Paris, mise en scène de Stephan Meldegg.