Jonas Kaufmann dès son entrée en scène impressionne. Benoît Jacquot qui assure la mise en scène a eu la bonne idée de rajouter au bleu nuit romantique de son magnifique costume des lunettes de rock star , bleues elles aussi. Seule excentricité dans une mise en scène intelligente et discrète qui s'efface devant la musique et des interprètes au sommet de leur art. Jonas Kaufmann est sans doute ce que l'on peut voir de mieux en Werther version ténor. Sans doute aussi une forme d'idéal pour incarner "Tempête et élan"(sturm und drang) ce mouvement pré-romantique et pré-révolutionnaire qui dans la deuxième moitié du 18ème siècle anima Goethe d'une flamme contraire à la Raison raisonneuse au profit d'une pure émotion . Massenet a traduit en musique ces élans tristes mais d'une beauté subtile et prenante.On pleure quand il revient, on pleure quand il s'en va,un soir de Noel écrasé par sa passion.Sophie Koch est une Charlotte digne de ces hauteurs béantes. Anne-Catherine Gillet qu'on avait vu épatante dans l'Etoile de Chabrier monté par les Deschamps offre aux côtés d'un Ludovic Tézier irréprochable dans Albert(le mari alors qu'il avait interprété dans une version baryton antérieure, l'amant rêvé) de biens beaux mélanges à cette palette de couleurs qu'un Michel Plasson, chef rigoureux organise à près de 76 ans avec l'enthousiasme d'un jeune homme. La leçon de musique est complète, le phrasé des chanteurs qu'on entend dans les plus infimes ou mourants pianissimo, limpide. Il sera difficile de faire mieux. Kauffmann obtint un triomphe. Quoi de plus naturel pour ce chanteur allemand de 40 ans qui sera bientôt consacré par Bayreuth et dont le souffle bien réveillé confine au mystère. Rien à dire de plus. Prima la musica...
Côté Garnier , l'Idomeneo attendu n'est pas au rendez-vous. Emmanuelle Haim dont les expressions corporelles n'ont pas convaincu l'orchestre difficile de l'Opéra de Paris et ses intentions sont restées incomprises .Son contrat a-t-il été honoré ? En tout cas,c'est sous une autre baguette que l'oeuvre sera lancée. Question de tops.Après le Werther , un drôle de bémol pour Nicolas Joel vite rattrapé par le succès grand public de Nathalie Dessay , somnambule bellinienne, actrice "sans inconscient" mais qui chante. Chanteuse avant d'être actrice,remuante, corporelle. Comme Emmanuelle Haïm...