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C’est vendredi, c’est pot-pourri

Publié le 12 février 2010 par H16

C’est vendredi, et les sujets se bousculent sans ordre dans l’actualité. C’est le moment de s’enfiler une petite crêpe au sucre et de partir dans quelques réflexions décousues. Et comme ça portera sur la presse, ce sera encore une fois l’occasion de débusquer ces petites pignouferies parfumées que le monde nous envie tant…

Il est toujours cocasse de comparer les gros titres en une des principaux journaux en ligne français. Avec une même information de base, on peut dire beaucoup de choses différentes.

Ce matin, l’information factuelle en question c’est la diminution du PIB français de 2.2%. A partir de là, on peut en décliner plusieurs parfums, éclairant assez bien l’angle choisi par le journaliste pour faire passer ses opinions.

Ainsi, pour Libération, on titrera, très objectivement: « Le PIB français a reculé de 2,2% en 2009« , et c’est le chapeau de l’article qui contiendra quelques petites graines de bonheur : « Le rebond de croissance au quatrième trimestre a été meilleur que prévu, avec une hausse de 0,6% selon l’Insee. » En somme, le PIB recule, mais finalement, au quatrième trimestre, c’était le grand boum, ça pétulait dans les brancards.

Et le petit article de relayer sans vergogne les bêtises laxatives de Lagarde :

«C’est un résultat satisfaisant (…). J’avais dit qu’on terminerait l’année sur les chapeaux de roue, il y a beaucoup de gens qui se sont moqués de moi à ce moment-là»

La conclusion qui s’impose, après quelques lignes d’Allemagne-bashing (sur le mode « ces cons de Teutons font deux fois pire que nous, ah ah ah c’est bien fait, etc…« ), est donc que cette dégringolade du PIB, c’est quasiment du pain-béni pour la France qui ne savait probablement pas quoi faire de toute cette croissance des années précédentes, limite surchauffe. Ah, on va pouvoir respirer et déboutonner le premier bouton de chemise !

Bizarrement, pour Le Figaro, le même chiffre, sur le même sujet, ne parvient pas à dérider le pigiste qui a rédigé l’article: « Baisse Historique du PIB en 2009« , les enfants, ça ne rigole plus ! Et à ce titre qui fend l’air d’un vent glacial, on ajoute un chapeau bien senti : « L’économie française s’est contractée de 2,2% sur l’année, selon les chiffres de l’Insee. Dans le même temps, l’emploi a baissé de 2,5%. »

Ça se contracte, ça baisse, ça recule, c’est de l’historique, du jamais vu depuis l’après-guerre, et ça sent mauvais ! Pour tout dire, seul l’emploi intérimaire est dans le vert. Si l’encre numérique avait un goût, ce serait celui des larmes, salées et humides, que le pauvre hère qui a écrit ces lignes a répandu en longue ruisselets tristes dans les colonnes du journal.

Côté Monde, même si le titre n’y va pas par quatre chemins – « En 2009, la France a connu la pire récession depuis 1945. » : voilà, c’est dit, c’est pire – le reste de l’article, lui, se contente cependant d’égrainer les chiffres qu’on retrouve, similaires – et heureusement – dans les autres articles, citation joyeuse de Lagarde y comprise.

Calme plat à la rédaction du quotidien extrême-centriste du socialisme de gauche : pour une fois donc, Le Monde a su tenir sa place du milieu entre un Figaro larmoyant et un Libé pétulant. On frôle ici l’antipignouferie. C’est rare.

Alors, pour pimenter un peu, Libé a choisi de vendre de la belle américaine sexy.

Ce n’est pas moi qui aligne ces adjectifs, c’est bien le journal qui, titrant « Sarah Palin, sexe et antisèche« , nous propose donc un article qui aurait fait hurler les Chiennes de Garde, la HALDE et un ou deux illustres blogueurs s’il avait porté sur Ségolène Royal par exemple.

En pratique, la journaliste touille mollement les tièdes poncifs qu’on a déjà lu dix fois ailleurs sur Palin, et ne doit probablement la présence de son article en tête du site que par l’insertion astucieuse du mot sexe dans le titre.

Et à part ça ?

A part ça, c’est la déferlante de sujets palpitants : la politique, l’économie, le chômage, la criiiise, les réformes à faire, à venir ou en cours n’intéressent pas les Français, semble-t-il au vu de ces unes journalistiques et de ces agrégateurs bêtements coincés sur potins divers. Alors, ces derniers se consacrent corps et âmes à nous informer des chapelets de petites phrases idiotes prononcées par les uns et les autres, à nous fournir du sensass-tout strass-mélasse où la prise de recul a bien pris huit millisecondes.

Dans une farandole de distribution de bons et de mauvais points en républicanisme, en démocratie et en bien-pensance ruisselante de navrisme navritude navrance navrement, on aligne donc articles sur articles pour dénoncer les amalgames des uns à comparer les jeunesses socialistes de droite avec les jeunesses hitlériennes, ou des papiers vibrant de fièvre journaleuse rapportant les propos supposément antisémites d’un Frêche pourtant connu pour ses frasques.

On obtient un bien fier tableau de l’actualité si l’on ajoute les bisbilles ridicules et pathétiques entre téléthoniens et sidacteurs (j’attends les premiers échanges de coups physiques avec raids et bastonnades) et surtout, la mode du moment : les articles sur les relations tendues entre la police, les établissements scolaires et les jeunes.

On pourra d’ailleurs se demander dans quelle mesure la déferlante de ces trois derniers sujets n’est pas rudement bien tombée alors même que la LOPPSI est en cours d’examen au Sénat et que le couvre-feu des mineurs a été adopté.

Je m’en voudrai de faire le rapprochement qui fut fait, il y a quelques années, entre les résultats d’une élection présidentielle au premier tour dévastateur et la multiplication de faits divers plus ou moins craspecs dans la période qui avait précédé les élections : en effet, même si les incessants reportages sur l’insécurité d’alors avait, in fine, saboté certain candidat, le problème en question n’avait finalement pas été traité du tout par le vainqueur.

Ici, tout se déroule comme si, pour une raison ou pour une autre, on voulait montrer que les flics s’acharnent sur des ados, tout en notant par ailleurs, dans un diptyque paradoxal, que ces mêmes ados passent finalement leur temps à se tabasser entre eux et à enfreindre les lois, les coutumes et les usages les plus fondamentaux pour qu’une civilisation perdure (ici, normalement, on se dit : « argh, vraiment, ce pays est foutuuuu »).

Gun Free Zone

Et là, je m’interroge : les récents problèmes dans les collèges et les lycées sont-ils tous à ce point nouveau pour éclore, commodément, en tir groupé au mois de février 2010, ou, plus simplement, sont-ils plus relayés par la presse qui en fait fort écho ?

Pourtant, cela fait des années que, de témoignages en témoignages, on découvre la profondeur du mal qui sévit.

Et d’un autre côté, à trop vouloir noter l’incroyable coïncidence des calendriers législatifs, politiques et médiatiques, on risque surtout le même écueil qu’en 2002 ou, jugeant qu’on en avait trop fait et qu’on en avait trop dit, il n’était plus nécessaire d’en faire ni trop ni même un peu : au bilan, l’insécurité qui avait défrayé la chronique en 2002 n’a pas reculé malgré l’empilement de lois et de gesticulations ridicules.

On aura ici exactement la même chose : agitations cosmétiques et résultats nuls (sauf, peut-être, pour les fabricants de portiques de sécurité).

Vivement demain.


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