Le nouvel ambassadeur des États-Unis a annoncé une révision générale de
la politique américaine vis-à-vis d’Haïti. Une démarche pas du tout
anodine quand on sait que nos rapports avec notre puissant voisin sont
déterminants pour l’avenir de notre pays. Une certaine politique
américaine a engendré de nombreuses frustrations de ce côté de la
grande Caraïbe et n’a jamais vraiment dépassé l’humanitaire. Ajouter à
cela un certain effet yoyo des approches américaines vis-à-vis d’Haïti,
selon qu’elles soient vues dans des lunettes républicaines ou
démocrates, a été, ces dernières années, lourd de conséquence.
Cette
« instabilité » au niveau du State Département quant aux tenants et
aboutissants du dossier haïtien a longtemps coincé notre tiers d’île
entre embargo plus ou moins déclaré et des blocages plus ou moins
clarifiés. Le robinet de l’aide fonctionnant ainsi avec des ratés et le
flot se dirigeant le plus souvent vers des Organisations non
gouvernementales. Toute révision de la politique américaine pourrait
impliquer une reprise directe de la coopération avec l’État haïtien
dans le sens du nouvel accompagnement annoncé par le nouvel ambassadeur
américain Merten. Une initiative intéressante qui a retenu, entre
autres, notre attention est le support annoncé du gouvernement
américain à des initiatives d’investissement de la diaspora sur le
terrain. Les forces vives de notre pays à l’extérieur pourraient
apporter capitaux et savoir-faire à une économie exsangue qui a besoin
d’oxygène. Et l’accompagnement institutionnel du gouvernement américain
est une piste à travailler, surtout si les organismes, comme le Centre
de facilitation des investissements, mis en place par l’État d’Haïti
fonctionnent à plein rendement. Des initiatives déconcentrées venant de
la diaspora rayonneraient alors sur l’ensemble de l’espace haïtien, à
l’instar de celles relevées régulièrement par notre collaborateur Ady
Jean Gardy et qui pourraient s’amplifier avec le support des autorités
haïtiennes.
Les investisseurs haïtiens de la diaspora ont grand
besoin de relais locaux crédibles et de certains encouragements
étatiques pouvant faciliter leur établissement sans passer par les
fourches caudines d’une bureaucratie nihiliste et partisane. Il existe
désormais une plate-forme théorique prête à servir de « guideline » à
toute politique d’incitation à l’investissement que lancerait le
gouvernement haïtien. Nous pensons aux travaux de la Commission
présidentielle sur la compétitivité qui devront bénéficier du bénéfice
de l’urgence dans leur mise en application pratique.
Un ballet
d’investisseurs américains et latino-américains est annoncé pour le
mois d’octobre, comme on n’en a jamais vu depuis longtemps en Haïti, et
l’on se demande si le moteur exténué de l’État est capable de tracter
ces poids lourds de l’investissement mondial, tous continents confondus
puisque l’Asie sera aussi présente. La visite du président Préval à New
York semble annoncer donc les débuts de grandes manœuvres…
Mais
comme on dit chez nous « pa gen sekrè nan fè kola », il faut se
préparer avec sérieux et célérité, pour éviter la répétition, sur le
plan de l’initiative privée, de la formule frustrante de la capacité
d’absorption.
En ce sens, l’État doit envoyer des signaux clairs
quant au relèvement de nos villes et de notre environnement dégradé
soulignés, à l’eau forte, ces jours-ci par les principaux quotidiens de
la capitale. Et la question sécuritaire, primordiale dans un tel
dossier, ne doit pas être une problématique saisonnière.
De quelle
couleur sera la saison nouvelle, s’interroge depuis longtemps le poète.
Il faut préparer les terres et ensemencer notre « sol lavé comme une
grève ». Il faut surtout remettre ce pays au travail et démarrer enfin
le compteur de la compétitivité, tout en ayant en vue la morale sociale
d’une plus grande équité.
Roody Edmé