Lettre à un frère (1)

Mais les choses vont aller... je crois, mon frère :

Un fossé béant de malice s'était creusé entre moi et le Seigneur, je l'avais creusé... Tu sais, les matières spirituelles sont parfois étranges... Tu pries, tu étudies, tu sens, tu penses que "voilà", là tu "as" quelque chose, et puis tu t'installes, tu pries, ça devient un peu plus "simple", confortable, et là ça devient même un peu automatique, mais tu "sens" que "c'est bien"... et là, bam ! le fossé, la boue, la déception et puis imperceptiblement tu continues de savoir que tu es un pécheur mais il n'y a plus la certitude douce de l'âme qui se sait aimée de Son Créateur malgré tout, et puis, alors tout ça sert à quoi, les rites, les prières, tout...

L'athée vit en chacun de nous, au plus profond, et le satan lui aussi il s'est foutrement implanté dans notre tréfonds et il veut la déception, il veut même le désespoir, le noir, le rien, le chagrin sans consolation, il te dit que tu te mens, que bien sûr et définitivement, tout ça ce ne sont que des inventions, des superstitions, parce que lui le satan, et bien il n'existe pas, alors pourquoi, pourquoi l'autre, pourquoi Dieu, pourquoi le Tout-autre qui voudrait souffrir pour nous...

Et puis s'il voulait que l'on s'unisse intimement à Lui, si vraiment Il était le fond sans fond très lumineux qui est enfoui sous les péchés de l'âme et bien pourquoi ne donne-t-il pas un moyen simple et sur de le faire, hein ? Avec un mode d'emploi, un beau, un pratique, chez Ikéa ils en font bien des jolis modes d'emplois, voilà !

Et puis regarde autour de toi... regarde bien, personne, personne ne pense comme toi, je veux dire tout près de toi, regarde avec toutes ses sornettes orthodoxes, toute cette "culture" si dure à acclimater chez toi, dans ta famille, regarde... pourquoi toutes ces difficultés, pourquoi... hein ? Le satan lui, qui n'existe pas en réalité, hein, note le bien, et bien lui, qu'est-ce qu'il te demande depuis sa non-existence, hein ? quoi donc... hé bien, rien, rien, laisse tout, vit, une vie simple, paisible, tranquille sans torture, regarde, tu vois bien qui si tu cessais de te rebattre les oreilles et le coeur avec ses simagrées christiques et tout le toutim, tu vois bien qu'il n'y aurait plus de complications, plus rien...
Voilà, ce qu'il te dit, ce qu'il me dit... lui, là, qui n'existe pas, depuis sa non-existence toute grouillante là-bas, là en bas en moi...
Et je l'écoute, je titube, je boite...

Et je me relève... je redresse la tête et je me mire dans Celui qui ne bavarde pas inutilement comme l'autre là qui n'existe pas dans sa non-existence de baveux bavard...; je me mire dans Son regard pour me voir moi, réel, tel que je suis, tel qu'Il me sait... et je sais que là, dans ce regard là je suis, je suis authentiquement libre ! pécheur, effroyable, pitoyable mais libre dans Sa Miséricorde !
Je sais que ma souffrance, mon attente souffrante est soutenue, qu'elle n'est pas en vain...