Magazine Culture
Paris, un jour au XXIè siècle,siècle qui voit les bouleversements climatiques chambouler les paysages quotidiens, les prériodes de sécheresse succèdent aux trombes d'eau, les étés sont brûlants et sec, le reste de l'année, les fleuves et les rivières s'étendent hors de leur lit, le Zouave est immergé, la Seine prend ses aises et déverse ses détritus. Une jeune femme descend du Sacré-Coeur pour rejoindre Notre-Dame, aimantée par un étrange appel. Elle achète un flacon de son parfum préféré, le nard, son luxe intime et inamovible, regardant avec compassion les grandes bourgeoises gonflées au silicone et remodelées par le bistouri d'une dictature de l'apparence, conditionnées par le besoin superflu de l'avoir et de l'argent, vénalités désolantes et futiles. Puis, elle rejoint un groupe d'hommes et de femmes et s'approche d'un jeune homme pas comme les autres: de lui émane une grande spiritualité, elle débouche son flacon de nard précieux , l'oint de cette eau parfumée et lui essuie les pieds avec ses cheveux dénoués . C'est le Christ revenu parmi les hommes, elle est Marie-Madeleine, l'épouse et la maîtresse, celle qui l'a reconnu entre les hommes.
Alina Reyes, entre le Ier et le XXIè siècle, promène son lecteur au coeur d'une Bible revisitée, au coeur d'une spiritualité que la modernité galopante a endormie. Elle fait revivre une Marie-Madeleine éprise d'un Christ, au-delà du charnel, éprise d'une envie d'un ailleurs où le matériel n'est plus une base du désir... et pourtant, Dieu sait combien elle aime les hommes, leurs corps, leur sueur, leurs maladresses comme leurs tendresses, leurs solitudes et leurs désirs. Le lecteur se laisse emporter dans le flux d'une croisade sur les chemins de Lourdes et Compostelle; il se laisse aller dans un élan de frugalité, de hiérachisation des besoins essentiels, d'abandon de tout ce qui peut parasiter l'envol vers un appel à la spiritualité recentrant l'homme au coeur de son essence même.
L'héroïne, Marie-Madeleine moderne, est d'une sensualité envoûtante et d'une beauté chatoyante tout en restant humble et simple: elle sacrifie sa chevelure, emblème de la féminité splendide et charnelle, pour mieux accompagner le message du Christ. D'ailleurs, son sacrifice expiatoire a-t-il réellement servi? Les hommes ont-ils retenu la leçon du don de soi de l'homme sur la croix? Lorsque cataclysmes, égoïsmes, violences et ténèbres engluent l'humanité dans un asservissement au toujours plus, on peut se poser la question!
"Souviens-toi de vivre" est un roman qui m'a laissée perplexe par son argument littéraire inattendu et un certain flou dans le déroulement du récit. Pourtant, l'écriture, le style de l'auteure sont suffisamment agréables pour donner envie de continuer à accompagner les personnages, de savoir la fin de leur histoire, de leurs interrogations. Un peu déconcertée par la tournure de l'intrigue, j'ai décidé de me laisser porter (afin d'aller jusqu'au bout du roman) par l'atmopshère du roman, par les images en filigrane d'une société perdue dans l'immensité de l'abondance, dans l'abîme de la superficialité et de l'individualisme, par le romanesque (est-ce iconoclaste de parler de romanesque au sujet de la quête du Christ?) des héros, personnages aspirant à autre chose que cette matérialité qui ronge le monde et le détruit chaque jour un peu plus. Je me suis positionnée un peu comme devant un tableau ou une installation d'art moderne: saisir un fil conducteur, même infime, et laisser libre cours à la démabulation de l'imaginaire, de la sensibilité que l'on a au fond de soi.
Ai-je aimé ou pas ce roman? Je serais bien en peine de formuler avec précision mon sentiment! J'en garde une émotion due à l'écriture sensuelle, mais sans ostentation, aux réminiscences de mes lectures de cathéchisme, celles des classiques, au souvenir de mes cours d'histoire de l'art et des religions lors de mes études universitaires...ces mille et un petits riens, construits au fil du temps, qui remontent à la surface pour éclairer une lecture qui semble, a priori, échapper à la compréhension. "Souviens-toi de vivre"....une expérience indicible?
Les avis de
Merci à Ulike.net pour cette lecture surprenante. "La Madeleine chez le Pharisien" Jean Béraud (1891) NB: Christ sous les traits de Albert Duc-Quercy (1856-1934), journaliste socialiste Simon le Pharisien sous les traits de l'écrivain Ernest Renan (1823-1892)