Elisabeth Badinter oublie la moitié de l'humanité

Publié le 11 février 2010 par Bix

j'ai eu quasiment eu une boule au ventre en écoutant, en subissant, Élisabeth Badinter ce matin. Il a quand même fallu que Thomas Legrand lui pose une question pour qu'elle évoque les pères, sur lesquels elle aimerait faire peser la même culpabilité qu'on fait peser sur les mères. Merci pour la moitié du couple et de l'humanité !


Journée spéciale Elisabeth Badinder - France Inter
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France Inter lui a consacré une place démente toute la journée du 11 février, alors qu'elle ne représente pas 100 % du féminisme français. Depuis 1970 il s'est passé des trucs quand même, des conquêtes sociales aux nouvelles formes de militantisme comme La Barbe. Sans oublier bien sûr les vieux combats qui sont toujours à mener : femmes battues, plafond de verre, égalité salariale, préjugés sexistes à l'école, viols... et tout ce qui découle des préjugés sexistes comme l'homophobie.[1]

En lisant Marianne 2, Arrêt sur Images, Olympe, Marc Vasseur (double taillage de costard : Badinter + Pujadas) et la fiche Wikipedia de E. Badinter, j'apprends en plus qu'elle est présidente du Conseil de surveillance de Publicis, et 2e actionnaire du groupe. En clair, elle vit de la pub. Petit paradoxe sur lequel je reviens plus bas.

Un tel poste relativise considérablement ses propos qui minimisent le rôle de la pub, des magazines féminins et son amour de la consommation à tout prix (des petits pots plutôt que des légumes - bio ou pas - des couches jetables plutôt que des couches lavables...). Au fait, Badinter se bat-elle pour la parité dans le CA de Publicis ? Milite-t-elle pour des publicités plus respectueuses de l'image des femmes ? Ce serait intéressant de le savoir.

Je respecte énormément le combat (passé) de Badinter, même si je préfère largement une Gisèle Halimi que je trouve plus... humaniste et combative (l'une est intellectuelle, l'autre avocate). Elle reste malgré tout coincée dans un féminisme de grande bourgeoise qui oublie un peu des détails pratiques. Quand on est riche il est tout de suite plus facile de s'exonérer des tâches ménagères. Comme m'a dit une collègue maman ce matin (utilisatrice de couches lavables et très contente) : "Et le temps passé par les femmes à se débarrasser des tonnes de couches usées, elle le compte ou pas ?"

Voilà, quelle que soit la solution technique, aucune n'est bonne si le fond du problème, à savoir le partage des tâches, n'est pas réglé. Les écolos ne sont certainement pas les responsables de cette inégalité qui a quelques siècles d'ancienneté. Comme si les écolos avaient inventé l'oppression et comme si le "retour au foyer" que Élisabeth Badinter dit avoir constaté chez les lycéennes qu'elle rencontre devait être imputé à l'écologie. Elle devrait plutôt se tourner du côté des (très) anciennes traditions de femmes au foyer et des modèles encore promus par toute une myriade de services plus ou moins publics. À ce titre, les témoignages citées par Rue89 sont éloquents, il est également encore assez compliqué pour une banque de comprendre les couples non-mariés ou mariés mais avec la femme qui n'a pas pris le nom de son mari.

Je laisse le mot de la fin à Nancy Huston et Nadya Surduts, citées par cette dépêche AFP

La romancière canadienne Nancy Huston, dont les livres regorgent de "mauvaises mères", reconnaît comme Elisabeth Badinter "la culpabilité qui pèse sur les mères".

Mais comment affirmer que le militantisme pro-allaitement serait le seul danger pour l'émancipation féminine? "Ici, comme dans ses autres livres, elle minimise la violence domestique, la prostitution, la pornographie", remarque l'écrivain dans La Vie.

Pour Maya Surduts du Collectif national pour le droit des femmes, "la situation est beaucoup plus contradictoire" que ce qu'affirme Mme Badinter, qui "schématise".

Notes

[1] Je sais bien qu'il ne faut pas tout mélanger, mais c'est souvent lié.