Il faudrait peut-être un jour écrire une histoire secrète de la fragilité et au cœur de cette histoire réserver un chapitre à la musique et plus particulièrement à la musique populaire. On pourrait par exemple parler des Brazda Brothers, un obscur combo canadien auteur d'un seul et unique disque rempli de cette fameuse fragilité. Une chose charmante enfouie et oubliée, retrouvée et sortie du temps par le hasard des techniques modernes de partage informatique prohibées par les multinationales de l’industrie du divertissement...
Donc les Brazda Brothers, deux immigrés russes (ou slovaques, ou bosniaques) qui se retrouvent par hasard au Canada, et qui au lieu de construire une cabane font plutôt de la musique... De la musique par mégarde, un peu comme on siffle en repeignant le plafond. Là où les choses se compliquent, c’est que le disque est presque très bon, un mélange de folk-rock aérien teinté de psychédélisme, du Neil Young poids léger ou ce qui pourrait bien être une version solaire du morse largué David Crosby et de son « If i Could remember my name ». Les paroles sont délicieuses dans un genre plus proto écolo panthéiste que mon coude gauche et les voix pour en revenir au sujet initial, sont d‘une fragilité contagieuse : Jonathan Richman avec l’accent russe sur « Walking Into The Sun », un blues blanc « Your Kingdom » à peu près proche de Tim Hardin, et un titre « Nature » qui sonne comme du Velvet Underground égaré au milieu des champs. Voilà, voilà ce n’est pas grand chose, léger, léger, et donc strictement indispensable.
P.-S. Dans le chapitre Brothers il faudrait que je vous parle un jour des Kaplan Brothers, une clique terrible et quasi-klezmer.