ActuaLitté : Le livre numérique est une révolution. Que pensez-vous des lecteurs ebooks, des formats et des applications ?
Quelle est votre position sur les droits d'auteur ?
Nous travaillons sur du patrimoine ancien sans droit d'auteur et ne sommes peut-être pas les mieux placés pour nous prononcer là dessus. Internet permet d'accéder à n'importe quelle œuvre sans contrainte. Il ne faut pas omettre que l'essentiel des recettes sont réalisées dans les trois premières semaines. (A part pour Avatar, l'exception qui confirme la règle ?). L'accès aux œuvres numériques doit être optimisé dans les premiers jours. Sur le long terme les éditeurs sont gagnants car les titres ne s'épuisent pas en numérique, dans le cas des impressions à la demande. Je pense que les ventes régulières, à moyen terme, seront supérieures au piratage et l'auteur pourrait percevoir des revenus presque constants toute sa vie.
Et sur les DRM ?
La copie contrôlée est un enfer dès que l'on change de support de lecture. Si les ebooks (best-sellers ou pas) sont mis à disposition du plus grand nombre sur différentes plateformes, ils vont s'écouler très rapidement et en importante quantité. De nombreux acheteurs voudront acquérir la nouveauté et n'attendront pas de télécharger illégalement leur livre. Un faible coût des ebooks peut aussi contrer le piratage.
Quid des (petits) éditeurs ?
Le livre numérique devrait supprimer certains intermédiaires de l'édition. Les coûts des maisons d'édition sont déjà faibles (par rapport à la musique), il n'y a donc pas de grandes économies à faire. Même une petite perte du chiffre d'affaire ne serait pas très risquée au regard des coûts des stocks, des invendus. En supprimant le stock, on estime qu'une économie à hauteur de 50 % peut-être réalisée. Nous voyons l'iPad et l'iBook Store comme une magnifique opportunité que les éditeurs doivent saisir en étant attentif aux évolutions.
Comment voyez-vous le passage à l'économie numérique avec le grand emprunt ?
Nous nous réjouissons que l'Etat ait choisi d'investir sur le numérique. J'y vois trois aspects positifs. Le premier est un travail coopératif, sur la base d'échanges (entre bibliothèques). L'Etat investit pour les générations futures car le travail massif de numérisation sera déjà fait. Chacun pourra accéder à une masse d'écrits publiés depuis le XVIè siècle.
Ces moyens débloqués nous permettront de privilégier le contenu. Car il existe différentes techniques de numérisation, plus ou moins perfectionnées et le coût de cette étape est fonction de cela. Enfin, cela va nous permettre de nous appuyer sur les institutions comme la BnF. La numérisation va être globalisée et tout devrait être centralisé pour éviter le redondances. Sans coopération et globalisation, les mêmes livres vont être numérisés plusieurs fois. Je vois la révolution Internet comme cela : le passage de la possession à la coopération, dont Wikipedia serait un exemple marquant.
Vous êtes entrés dans l'APROGED, quels projets vont en découler ?
Nous souhaitons que la profession s'intéresse à la numérisation patrimoniale. La polémique qui a eu cours entre Google Books et la BNF nous a étonnés. Car Google n'est pas seul à savoir numériser des livres. Mis à part les coûts, nous allons plus vite que Google. Ils ont annoncé la numérisation de 500 000 livres en dix ans. Nous avons numérisé 110 000 livres en 9 mois. Nous visons donc les décideurs la BnF, les bibliothèques de Bruxelles ou de Luxembourg, l'INA et souhaitons accompagner l'élargissement du marché, en bénéficiant de l'élan du grand emprunt. Nous numérisons des documents de toutes époques, c'est un projet passionnant et édifiant !