10 minutes chrono. C’est le temps laissé aux 80 squatteurs d’un immeuble de Bagnolet pour ramasser leur peu d’affaires avant que ne commence sa destruction. L’expulsion menée par les forces de l’ordre s’est faite sur instructions de la mairie (PCF) de Bagnolet propriétaire de l’immeuble. Jetés à la rue par -5°C, les squatteurs majoritairement d’origine malienne mais de nationalité française ont été contraints de se replier dans des tentes déployées par l’association Droit Au Logement (DAL).
Le DAL avance qu’aucun inventaire des biens n’a été dressé, en violation avec le code des procédures civiles d’exécution qui régit le travail des huissiers de justice. L’huissier de justice présent sur les lieux aurait indiqué que la mairie avait refusé de louer un garde meuble.
La mairie, se justifie en expliquant que le lieu squatté depuis une quinzaine d’années abritait un trafic de stupéfiants et de la prostitution. Dans ce sens, elle auraitracheté l’immeuble en juin 2008, dans l’objectif de réaliser des logements sociaux. D’autres sources indiquent que la municipalité aurait revendu l’immeuble à un opérateur privé.
Nullement troublé par le fait de mettre à la rue en plein hiver des être humains, Laurent Jamet, 1er adjoint s’est contenté de déclarer au micro de France Info que “la trêve hivernale ne s’applique pas aux occupants sans droits ni titres“. Un leitmotiv dans la bouche de l’élu qui a insisté sur le fait que la mairie avait le droit pour elle et qu’elle s’appuyait dans le cas présent sur une décision de justice.
Pour les expulsés, souvent des travailleurs du BTP, dont certains habitaient là depuis onze ans, l’incompréhension et la colère dominent : “Même des animaux sauvages on ne les traite pas comme ça”, “on nous a mis dans la rue en plein hiver“. “Le côté humain est complètement effacé de l’histoire” avoue impuissant Souhil Boukhris du DAL.
De fait le dialogue n’est pas le fort des élus de Bagnolet. Ceux-ci ont refusé de recevoir les expulsés. Après avoir attendu vainement dans la neige et par -5°c de pouvoir discuter de leur situation avec l’adjoint au logement, ils n’ont eu d’autre alternative que de se replier sur un gymnase voisin. Pas pour très longtemps. Une nouvelle fois à la demande de la mairie, un responsable de la préfecture de Saint Denis dépêché sur place a fait évacuer le gymnase par les forces de l’ordre rejetant à la rue les expulsés.
Ils sont depuis abrités sous des tentes mises en place par le DAL. Bien au chaud les élus de Bagnolet peuvent dormir tranquilles. Ils pourront dénoncer le traitement de l’affaire par les médias en s’abritant, à l’image du 1er adjoint, derrière l’évocation de manœuvres politiques dans la perspective des prochaines élections. La larme à l’œil, ils pourront même faire preuve de toute leur indignation à la lecture du rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal logement. Il n’empêche, c’est bien la crédibilité dans leur humanité qui est aujourd’hui entamée.
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