Saint Valentin : goûte mon petit nombril au citron

Par Estebe

Bien le bonjour, les Cupidons du dimanche

Ce bon Saint-Valentin approchant à pas de géant, il serait urgent de réhabiliter le nombril au rang des zones anatomiques dignes d’intérêt. Le nombril, parfaitement. Là, le truc, juste au-dessus de ta ceinture.
D’ailleurs Gutierre Tibòn, éminent philologue d’origine italienne, ne s’y est pas trompé, lui qui a publié un traité nommé «Le nombril, centre érotique», (ed. Horay, 1992 pour la traduction française). Dans cet ouvrage drolatique autant qu’érudit, le savant se livre à une balade historique et esthétique autour de la chose, en proposant une typologie des ombilics: convexes, asymétriques, boudeurs, en grain de café, sinistres; ou ronds et profonds, classiques en somme, comme celui de la Vénus de Milo.


Le nombril de Venus, justement - le tortellino comme l’appellent les Italiens -, fait l’objet d’une légende exquise, que l’on s’empresse de vous raconter ici. Un beau soir, Venus et Jupiter s’arrêtent dans une auberge. Ils y cassent la croûtent pépère, sous l’œil concupiscent du patron, qui a succombé aux charmes de la déesse. Quand Vénus, un peu avinée, gagne sa chambre, l’aubergiste file à pas de loup derrière elle et essaie de la zieuter toute nue par le trou de la serrure. C’est mal. D’ailleurs, il ne peut guère apercevoir que le divin nombril, éclairé d’une bougie chancelante; nombril qui lui fait un tel effet que dès le lendemain, il moule une pâte fourrée pour immortaliser son extatique vision nocturne. Le tortellino est né.


On peut penser ce qu’on veut de cette histoire – après tout, les divinités romaines qui s’arrêtent béqueter dans un troquet de campagne ne courent probablement pas le Latium. N’empêche que quand vous croquez dans un tortellino, c’est une parcelle du bidon de la déesse de l’amour que vous goûtez. Pour un tête-à-tête de St Valentin, le plat de tortellini aux formes évocatrices a donc un brin plus de classe que l’on ne sait quel plat à la symbolique épaisse.


Et comme par hasard, voilà nos tortellini maison aux noix et citrons. Recette pour laquelle le Dr Slurp est sorti de ses bricolages coutumiers pour s’approcher d’une ingénierie culinaire proche de la mathématique. Il va y avoir de la farine, du rouleau à pâtisserie, du grammage précis et tout ça.
Pour un couple à gros appétit (ou trois personnes en cas de St Valentin triolique; aujourd’hui, plus rien ne nous étonne), prévoyez 200 grammes de ricotta, un citron bio, dix cerneaux de noix, 300 gr de farine, trois œufs, une cuillère à soupe d’huile d’olive, une petite cuillère de sel et un peu de muscade râpée.

  • Pour la pâte

Sur le plan de travail, formez un volcan avec la farine; un Vésuve avec un cratère balèze, dans lequel il s’agit de casser les œufs. Ajoutez l’huile d’olive et le sel. Puis liez le tout délicatement à la fourchette, en intégrant peu à peu la farine des bords. Pétrissez alors d’une poigne vigoureuse, jusqu’à obtention d’une pâte lisse et ferme. Ajoutez un peu d’eau si besoin. Roulez en boule. Et laissez reposer au frigo une demi-heure dans un torchon à peine humide.

  • Pour la farce

Zestez le citron. Faites blanchir une minute les zestes à eau frémissante. Puis émincez-les menu. Mélangez ensuite à la ricotta, intégrez les cerneaux concassés au pilon, quelques gouttes de citron, une tombée de muscade râpée, sel et poivre. Goûtez. Et riez. Ou pas.

  • Pour les tortellini

Farinez un brin votre rouleau à pâtisserie, puis abaissez la pâte systématiquement et patiemment (au contraire du stupide auteur de ces lignes qui, galvanisé par la grandeur de sa tâche, s’est acharné sur le rouleau comme un malade jusqu’à s’ouvrir le petit doigt contre la machine à café). Abaissez, donc, un bon moment, en retournant la pâte, jusqu’à ce qu’elle se montre quasi translucide. Sacré taf, croyez-moi. On en a encore des courbatures.


Avec un emporte-pièce circulaire de 5 cm de diamètre (j’y crois pas d’écrire des machins comme ça), détaillez ensuite la pâte en cercles (une autre école préconise le carré, 5 cm itou, solution plus rationnelle quoique moins gracieuse). Garnissez chacun d’entre eux d’une demi-cuillère de farce, puis refermez en demi-lune, en collant les parois avec vos doigts préalablement humidifiés. Avant de rouler le tortellino comme une bague, en pinçant les extrémités. Pas fastoche. Quelques essais malheureux sont inévitables: on ne parvient pas au nombril de Vénus sans avoir balancer quelques ombilics de Quasimodo à la poubelle.


Laissez reposer une demi-heure sous un torchon. Faites cuire enfin sept-huit minutes à grande eau salée. Une giclée d’huile d’olive, une tombée de parmesan, voire quelques gouttes de vrai balsamique. Et voilà que Saint-Valentin vous montre son nombril au-dessus de la table du salon.
Smacks