Vendredi débute la compétition de provinces de l’hémisphère sud, le Super 14. Il s’agira d’ailleurs de la dernière édition puisqu’en 2011 les Melbourne Rebels se joindront à la meute pour que l’ensemble forme le Super 15.
Avant que les premiers matches ne commencent, je vous propose un petit tour d’horizon des quatorze franchises.
Géographie du Super 14.
Pour ceux, peu nombreux je présume, qui ne savent pas ce que c’est, le Super 14 est un championnat qui rassemble les sélections de la SANZAR, l’association des fédérations sud-africaine, australienne et néo-zélandaise. Depuis 1996, la SANZAR a mis en place ce championnat : d’abord le Super 12 puis le Super 14. La compétition comprend 5 équipes néo-zélandaises, 5 équipes sud-africaines et 4 australiennes en attendant la cinquième l’année prochaine.
D’ailleurs, l’organisation du calendrier sera modifiée puisque chaque pays constitue une conférence et le calendrier s’organisera sur le modèle de la NFL : 16 matches mais répartis entre février et août (sauf en 2011 pour cause de Coupe du Monde), avec des play-offs rassemblant les 3 vainqueurs de chaque conférence et les 3 meilleurs bilans, avec une exemption pour les deux premiers.
Source. Super14.com
Histoire du Super 14.
Jusque là, les franchises néo-zélandaises ont fait la loi sur la compétition. A quatre reprises seulement la Nouvelle-Zélande n’a pas ramené le trophée : les Crusaders ont gagné la compétition 7 fois, les Blues 3 fois, les Brumbies 2 fois et les Bulls 2 fois aussi. Ces derniers, basés à Pretoria, sont les détenteurs du titre. Les Prétoriens avaient écrasé en finale les Chiefs de Waikato 61 à 17.
La domination de la Nouvelle-Zélande s’illustre aussi par le fait qu’à deux reprises aucun des finalistes n’était de l’archipel (2001 et 2007).
Le Super 14 semble appelé à se développer. L’intégration de l’Argentine est déjà un objectif ambitieux en soi ; celle des archipels du Pacifique (Fidji, Samoa, Tonga et Japon) reste encore bien hypothétique pour un éventuel Super 18.
Le Super 14 doit néanmoins affronter plusieurs difficultés : d’abord les écarts importants entre certaines équipes qui ôtent le moindre intérêt à ces matches, ensuite la qualité du jeu qui n’est pas toujours au rendez-vous et enfin la baisse globale d’audience et même de fréquentation des stades. Des tentatives réglementaires ont essayé de redynamiser le jeu mais cela n’a pas forcément produit ses effets. On espère des arbitres qu’ils soient plus pointilleux sur les actes d’anti-jeu (dans ce cas McCaw doit être expulsé à chaque match !).
Organisation du Super 14.
Chaque équipe joue 13 matches. Les quatre premiers sont qualifiés pour les demi-finales qui se joueront les 21 et 22 mai sur les terrains des deux premiers de la saison régulière. La finale se disputera sur le terrain du finaliste le mieux classé le 29 mai.
La difficulté de la compétition vient de l’éloignement de l’Afrique du Sud par rapport aux deux autres pays (qu’on appelle Australasie par commodité). Cet éloignement défavorise les équipes sud-africaines, dont les tournées sont plus longues (entre 4 et 5 contre 3 au plus pour les autres), ce qui ajoute à leurs faiblesses naturelles. C’est la raison pour laquelle chaque équipe dispose d’une semaine de repos, pour digérer les longs déplacements la plupart du temps.
Les équipes.
Présentons maintenant les 14 franchises.
Les favoris.
Crusaders (Christchurch, Nouvelle-Zélande)
Demi-finalistes et septuples vainqueurs, les Crusaders redeviennent les principaux prétendants. En effet, le retour de l’enfant prodigue de la Catalogne Nord, Daniel Carter, transforme cette excellente équipe en ultra-favorite de la compétition. Le départ de Robbie Deans (le coach devenu entraineur des Wallabies) a été bien digéré. Le pack reste toujours aussi solide même si on pourra toujours s’interroger sur le vieillissement des cadres. Toutefois, Richie McCaw (le pseudo-meilleur joueur du monde en 2010) manquera les trois premiers matches. Cela n’empêchera pas les Crusaders de remporter la saison régulière à mon avis.
Bulls (Pretoria, Afrique du Sud)
Brillants vainqueurs du Super 14 2009, les Bulls n’ont aucune raison de ne pas ambitionner de répéter la performance. Pourtant, le transfert de Bryan Habana aux Stormers affaiblit potentiellement l’équipe. Mais le pack reste dominateur, Morne Steyn un énorme buteur, Kirchner devant prendre encore plus d’impact derrière. Le problème des Bulls sera, comme toutes les équipes africaines, de bien voyager en Australasie avant de finir à domicile, tout en étant intraitable à domicile. L’avant-dernière journée verra un Bulls-Crusaders qui pourrait bien décider du classement final et du résultat du Super 14.
PS. Notre ami Jaelinho suivra particulièrement certains fans : les Bullettes !
Brumbies (Canberra, Australie)
Bien que 7ème de l’édition 2009, je place les Brumbies comme favoris. Pourquoi ? Et bien comme pour les Crusaders parce qu’ils ont ramené au bercail leur perle, Matt Giteau. L’ouvreur a passé trois ans à faire décoller la force, il veut gagner avec les Brumbies. L’équipe va devoir gérer un calendrier difficile au départ (Force, Bulls et Stormers à l’extérieur), avec des piliers blessés, mais le Super 14 a démontré (comme en 2009 où les Chiefs avaient commencé par 3 défaites pour être finalistes) que rien n’était rédhibitoire. L’équipe est expérimentée, sous la conduite de George Smith (qui a pris sa retraite internationale), sait parfaitement tenir le ballon. Une équipe typiquement australienne qui devrait décrocher une place en demi-finale.
Les challengers.
Chiefs (Waikato, Hamilton, Nouvelle-Zélande)
Finalistes l’an passé, les Chiefs ont connu la pire déroute dans un match ultime dans l’histoire de la compétition. Cela n’empêche pas de les considérer très haut. L’équipe joue bien mais doit mieux gérer ses débuts de tournoi. Stephen Donald est un excellent ouvreur que le système de jeu black ne permet pas de valoriser à fond. La ligne de trois quarts est redoutable avec Sivivatu et Muliaina, deux des fossoyeurs d’un quinze tricolore récemment. Le cinq de devant est un point faible, dans sa profondeur. L’équipe peut ambitionner une place de demi-finaliste raisonnablement.
Blues (Auckland, Nouvelle-Zélande)
Les Blues ont livré nombre de matches curieux en 2009. Leur attaque est redoutable mais leur défense a souvent bu la tasse en début de matches, accordant souvent les bonus offensifs en une mi-temps. Il est vrai que les blessures n’ont pas aidé l’équipe l’an passé. De nombreux changements ont été apportés par Pat Lam. Stephen Brett n’a plus voulu joue les doublures d’un ancien usapiste et a préféré s’en aller chez le voisin. Luke Mc Alister est revenu au pays mais le niveau du demi de mêlée est une interrogation. L’équipe peut gagner le Super 14 comme finir en milieu de tableau. Les cinq premiers matches seront cruciaux pour la réussite de l’équipe. Il faudra aller gagner quelques points, y compris chez les Crusaders.
Hurricanes (Wellington, Nouvelle-Zélande)
Même s’ils n’ont jamais gagné le Super 14, les Hurricanes sont toujours placés : 5 fois demi-finalistes sur les 7 dernières éditions et une seule finale. L’équipe compte de grands talents : la paire de centres Nonu-Smith est la paire titulaire des Tous Noirs, Cory Jane est un excellent arrière. Rondey So’ialo est aussi un grand numéro 8. Mais l’équipe manque de constance : elle est capable de perdre un match quand il ne faut pas. Malgré un calendrier plus délicat (7 matches à l’extérieur), les Hurricanes ont de bonnes chances, recevant les Crusaders et les Chiefs, des candidats directs aux demi-finales.
Les possibles.
Waratahs (Sydney, Australie)
Après un bon départ, les Waratahs se sont retrouvés à la place de l’andouille en 2009 (5ème). La faute à des résultats déclinants et à un jeu pas très emballant (pour ne pas dire insipide). Malgré le départ de Tuqiri, l’équipe a encore un peu plus de talent : Drew Mitchell et Berrick Barnes sont les arrivées notables. Kurtley Beale doit prendre une dimension supplémentaire à l’ouverture ; Lachlan Turner est un excellent ailier. L’équipe est relativement jeune mais aussi expérimentée. L’équipe va d’abord se consacrer à se débarrasser des sud-africains (après un déplacement à Brisbane) ; il faut engranger des points et rester régulier. Cela passe par l’amélioration du jeu que les arrivées citées devraient faciliter.
Stormers (Le Cap, Afrique du Sud)
La franchise gâchis du Super 14. Pléthore d’internationaux mais quantité de résultats déplorables. Des défaites honteuses et des victoires inattendues mais moins fréquentes que les défaites. L’équipe a un talent incroyable, le plus en Afrique du Sud au moins, mais une inconstance maladive. La formation a enregistré de nombreux départs : De Villiers (Munster), Watson (Bath), les retraites d’AJ Venter et Montgomery. Deux arrivées sont notables : Jacque Fourie et surtout Bryan Habana. L’équipe a un nouveau coach (Alister Coetzee). Elle devra faire sans Butcher Burger au premier match et devra consolider sa charnière pas toujours très rassurante. J’avoue qu’une demi-finale serait un exploit quand on connaît cette franchise. Mais si l’équipe joue vraiment selon son potentiel, elle pourrait tout simplement rafler un Super 14 !
Sharks (Durban, Afrique du Sud).
Le rêve pour tout amateur de jolies pom-pom girls (Gin To et moi). Sur le terrain c’est autre chose. Beaucoup de talents mais un jeu pas très productif. C’est la raison pour laquelle on a rapatrié quelques gloires venues de France : Juan Martin Hernandez va venir faire une pige pour des coups de pieds insipides tout comme Steve Meyer, l’ouvreur blessé de l’USAP. François Steyn est venu glaner quelques euros au Racing. Sans doute la présence de Ruan Pienaar, qui a été blessé l’an passé, aidera l’équipe mais celle-ci a manqué nombre de points de bonus (offensifs et défensifs). La ligne de trois-quarts reste défaillante en qualité et c’est bien là le problème des Sharks, qui autrement seraient des favoris incontestables du Super 14.
Western Force (Perth, Australie)
Arrivée en 2006, avec les Cheetahs, la Force a progressé constamment au point d’avoir été un candidat aux demi-finales jusqu’à la dernière ligne droite. L’équipe a gagné en respect et compte de nombreux internationaux. Mais les départs de Matt Giteau, Scott Staniforth et Drew Mitchell changent la donne. John Mitchell va devoir s’appuyer sur d’autres atouts pour faire avancer l’équipe. Est-ce Andre Pretorius, venu de Johannesburg ? Non, il s’est blessé aux ischio-jambiers et manquera toute la saison. Matt Dunning, le pilier venu des Waratahs ? Sans doute pas mais on attend l’éclosion de James O’Connor (10 sélections alors qu’il n’a pas 20 ans) dans un groupe désormais solide (Brown, Shepherd, Cross, Sharpe, Pocock). La tâche des joueurs de Perth sera bien difficile même si l’équipe peut remplir le stade avec les réceptions des trois favoris et leur poser bien des soucis.
Les improbables.
Highlanders (Otago, Dunedin, Nouvelle-Zélande)
La plus faible des franchises néo-zélandaises : 4 demi-finales dont une finale perdue quand même. Mais c’était il y a longtemps. Depuis 2003, l’équipe n’a jamais atteint la première moitié du tableau, terminant 11ème en 2009. Et pourtant, elle dispose de quelques forces : la « House of Pain », le Carisbrook de Dunedin où les Français avaient gagné en juin. Ce stade, venteux, est souvent un enfer pour les équipes visiteuses dans l’automne de la province d’Otado. Ensuite, quelques joueurs prometteurs : Jimmy Cowan est un excellent numéro 9, Ross est plein d’expérience, Bowden a des qualités, Ben Smith est un ailier qu’il faudra surveiller à l’avenir. Mais l’équipe est jeune, peu aguerrie malgré la saison 2009 et manque de profondeur. Gagner 5 parties serait déjà un bon résultat global.
(Central) Cheetahs (Bloemfontein, Afrique du Sud)
Arrivés dans la compétition en même temps que la Force, l’équipe n’a jamais réussi grand-chose et a terminé dernière du Super 14 en 2009. Un budget limité l’empêche d’attirer quelques pointures mais les Cheetahs sont un tremplin pour quelques grands espoirs : Brussöw a surnagé de la débâcle de 2009 et s’est imposé chez les Boks, Juan Smith est toujours un pilier de l’équipe, quelques noms venus des Griquas renforcent la formation (notamment l’ailier Basson). On parle aussi des jumeaux Ebersohn qui pourraient bien faire des dégâts dans un avenir pas très lointain. Avec peu de moyens en quantité et pas beaucoup non plus en qualité, les Cheetahs sont difficiles à malmener à domicile. Par contre à l’extérieur c’est vraiment la catastrophe. C’est d’autant plus incroyable que l’équipe brille en Currie Cup (5 finales en 6 ans : trois titres et deux finales perdues contre les Bulls dont celle de 2009). C’est à se demander pourquoi l’équipe existe en Super 14…
Lions (Johannesburg, Afrique du Sud)
Les Lions sont la risée des équipes sud-africaines des années 2000. Jamais l’équipe n’a fait mieux que 11ème (sur 12 ou 14) depuis 2002 et les départs de Pretorius et surtout Jaque Fourie ne vont pas arranger les choses. Certes le vétéran néo-zélandais Carlos Spencer a débarqué mais c’est bien peu par rapport à ce que les Lions ont perdu. Il y a bien quelques bons joueurs : Vermaak à la mêlée, Chavhanga à l’aile mais pas beaucoup non plus (peut-être Earl Rose dans une bonne saison). L’équipe n’a pas les armes pour rivaliser sur une saison. Réussir un coup ou deux est fort possible mais contre des équipes solides, le pourcentage reste mince même dans l’Ellis (Coca-Cola) Park. Il faut arriver à créer un groupe, un jeu collectif qui n’existe pas beaucoup.
Reds (Queensland, Brisbane, Australie).
L’équipe est désormais dirigée par McKenzie, débarqué du Stade Français en début de saison. L’équipe est à ce jour la seule à avoir terminé première de la saison régulière et à être sortie en demi-finale (en 1996 lors de la première édition du Super 12). Cela fait 9 ans qu’on attend une demi-finale et la formation traîne depuis 4 ans dans les bas-fonds (12 à 14 ème place). Qu’attendre de cette formation ? Rien. Que dire alors ? Que le départ de Barnes ne va pas arranger les choses même si de jeunes talents ont commencé à faire parler d’eux : Will Genia (22 ans) est entré à la mêlée chez les Wallabies, Quade Cooper à l’ouverture aussi. Turinui, Hynes et Ioane sont des vétérans derrière mais ils n’ont pas 28 ans. On compte aussi sur Will Chambers (21 ans) venu du XIII pour donner du talent. Mais devant c’est assez faible : à part James Horwill et un peu le Néo-zélandais Braid, les Reds vont souffrir. Il va falloir défendre et espérer échapper aux blessures pour gagner un peu plus de matches. Depuis l’élargissement à 14, les Reds ont gagné 12 matches sur 52, avec un match nul ! Comme les Cheetahs et les Highlanders, l’équipe est un tremplin pour des jeunes joueurs talentueux.
Semaine 1. Vendredi 12 et samedi 13 février.
En gras et en souligné, voici mon pronostic pour la première journée du Super 14.
Blues-Hurricanes
Western Force- Brumbies
Cheetahs-Bulls (revanche de la Currie Cup gagnée par ces derniers)
Crusaders-Highlanders
Reds-Waratahs
Lions-Stormers
Sharks-Chiefs
Les Sharks déçoivent dans leurs résultats mais pas dans l'animation avant les matches. Une méthode sud-africaine consiste à approcher les danseuses des adversaires qui s'échauffent. Ici les Sharkettes...
A bientôt pour la prochaine chronique insipide qui fera le compte-rendu de chaque journée.