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Par Toréador | février 11, 2010
Les petites filles modèles
Mon agence de notation vient de dégrader la note de mon kiwicollègue Hashtable pour passer de H16 à H15. Il va devoir se refinancer plus chèrement sur le marché des idées
Pourquoi cette pique, pourquoi cette tête, pourquoi cette tête plantée sur une pique ? Pour un billet intitulé « le retour de la vengeance de la Dette ».
La Grèce est en flammes, et une immense clameur monte du camp de ceux qui sont « raisonnables« , torche au poing : tous les chantres de l’orthodoxie budgétaire, de la gestion de bon père de famille, et du libéralisme épanoui nous hurlent : on vous l’avait bien dit*.
Ah oui, ils piaffaient, les honnêtes hommes de « la Ligue de la Vertu », les spadassins de la mondialisation heureuse, depuis deux ans. Bien que l’affaire des subprimes aient démontré par A+B la dangerosité d’un système laissé à la bonne grâce du marché pour d’auto-réguler, ils ne sont pas résignés à se taire, critiquant l’interventionnisme excessif des Etats et surtout l’endettement non soutenable.
Soutenable, c’est le mal du siècle. Tout doit être soutenable, c’est le principe de précaution élargi à l’économie. Le pétrole, le déficit, les engrais, même combat. La conquête du globe était-elle un développement soutenable ? Vaste question, n’est-ce pas : si nos ancêtres avaient eu nos constructions intellectuelles, où serait-on aujourd’hui ? Bref.
Et donc la palme de la bravitude intellectuelle, en éclaireur de la lame de fond précitée, je l’ai trouvée chez mon petit poisson clown et kiwicollègue H16 : « Peut-être, finalement, est-ce tout simplement parce que les comportements observés sur les marchés sont (oh !) la conséquence directe de l’impécuniosité lamentable de raisonnement de nos politiciens, et non la cause des problèmes que nous observons ? »
Les malheurs de Sophiste
Permettez-moi de m’arrêter sur ce constat qui est un sophisme de la plus belle espèce.
Back to the basics : Pourquoi a-t-on autant dépensé en 2008 ? Pour empêcher que l’impécuniosité des fonds américains (et des ménages du même pays) ne se transforme en déferlante dépressioniste.
Et voilà que par une ironie mordante, ces mêmes banques qui étaient prêtes à venir la corde autour du cou auprès des Etats pour se refinancer et survivre leur reprochent, via les marchés, d’avoir pris des risques éhontés et inutiles ?
En gros, c’est un peu comme si vous alliez sauver à la nage un type qui se noie. Puis qu’ayant tiré le mec hors de la vase, mais ayant du mal vous désormais à regagner la berge, l’ex-noyé pariait sur votre mort certaine en vous reprochant d’avoir nagé si loin !
Si les « politiciens » d’H16 ont caché l’ampleur du mal, ce n’est pas par duplicité mais parce que si on avait expliqué au contribuable ce qu’allait lui coûter la clique d’inconscients apatrides qui a faire sauter la banque, il y aurait sans doute eu une poussée des partis radicaux et peut-être même quelques guillotines improvisées.
Ces fameux « politiciens » me semblent un poil plus raisonnables – mais guère plus courageux – que ces spéculateurs qui désormais contemplent avec délice la chute de l’euro. C’est vraiment une sale race : ils seraient capables de spéculer sur la fin du monde si le spread était avantageux.
Là où je rejoins H16 (et pas Gaulliste libre), c’est que bientôt, nous n’aurons plus les moyens de jouer les assureurs militants. Alors, à la prochaine crise de foie, les marchés appelleront un médecin qui ne viendra pas et mourront lentement étouffés par leur propre stupidité sur le linoléum de leur floor.
A viande froide, vengeance froide.