Ce jour-là tu n'en finissais pas de tomber dans nos yeux effarés, nous n'avions jamais rien vu de tel, de tellement absurde, de tellement grand, monstrueusement absurde et grand. Nos mains ont essayé de retenir le mur. Millions de mains, millions de dos arcs-boutés. En vain.
Le premier petit caillou se détacha de ton mur Babylone la grande, dans un bruit de tonnerre. Le second, fragmentaire ballast du terminal, fut lancé par-dessus le haut barbelé noir d'Auschwitz. Le troisième et dernier, parpaing, verre et acier mêlés, des 110èmes étages des WTC 1 & 2 qui épousaient en de tragiques noces le vide américain, la pâleur, extrême, de nos consciences.
Mort-né. Le monde est mort avant même d'être parvenu à son terme, avant même d'avoir poussé son cri originel. Naissance vaine et fausse. Illusion mortelle en laquelle tu nous as tenu, perfide mystère. Pourquoi tant d'obscure force ? Pourquoi devons-nous être les témoins du désastre - essence même d'une vie - qui a pourtant fait son nid dans nos coeurs ?
Combien de temps encore serons-nous semblables à ces oblats, contemplatifs, silencieux, inutiles ? Je veux savoir, mais il est désormais certain que je n'en saurais jamais rien... Pourquoi ? Pourquoi cette grande illusion nous émiette, nous réduit en poussière ?