Fort de ses dix-sept ans de carrière, le groupe américain sort ces jours-ci son septième album, dans une indifférence quasi-totale. Les compositions sont pourtant une nouvelle fois à la hauteur.
Étonnement, Spoon souffre d’une faible notoriété en Europe, particulièrement en France. La tournée qui suit la sortie de ce septième album, Transference, le montre bien : seulement six dates sont prévues, dont trois en Grande-Bretagne, et aucune en France. Pourtant, depuis ses débuts sur la scène indie d’Austin, le groupe texan a su convaincre, albums après album, qu’il était une référence en matière de rock. Et son leader, Britt Daniel, un très fin songwriter.
Comme le montre parfaitement leur récent portrait paru dans le New York Times, Spoon est le groupe cool par excellence. Britt Daniel, chanteur, guitariste et compositeur, rencontre le batteur Jim Eno au début des années 90, alors que la scène rock américaine est dominée par des groupes aujourd’hui sur le retour, tels les Pixies ou Pavement. Pendant ce temps-là, Spoon a fait son petit bonhomme de chemin, gagnant quelques fans à la sortie de chaque album, : du premier Telephono (1996) en passant par Gimme Fiction (2005), où figure le « tube » I Turn my Camera on, jusqu’au succès commercial de Ga Ga Ga Ga Ga (2007), à ce jour leur album le plus accessible parce que le plus pop. S’il y a quelques minutes Spoon n’évoquait pour vous rien de plus qu’une cuillère, c’est sans doute par l’écoute de cet opus qu’il faut commencer.
Leur dernière livraison, Transference, est plus abrupte et moins évidente que son prédécesseur. À la première écoute, l’album a même tendance à prendre son auditeur à rebrousse-poil. Ceci s’explique sans doute par la production plus minimaliste que jamais : plus de la moitié des titres sont en fait des démos, volontairement non ré-enregistrées. C’est aussi sans doute parce que Britt Daniel semble prendre un malin plaisir à nous prendre à contre-pied : l’album s’ouvre sur Before Destruction, enregistrement sourd où une guitare acoustique vient accompagner, avec le son d’un synthé mal dégrossi, la voix écorchée de Britt Daniel. The Mystery Zone, qui suit, n’est pas non plus ce qui existe de plus conventionnel : la chanson s’arrête brusquement, à la manière de la frustrante fin de Electricityscape des Strokes.
Mais, comme souvent, c’est un peu plus loin qu’il faut aller chercher. C’est les dents serrées et d’une guitare torturée que Britt Daniel exprime ses désillusions et sa frustration sur I Saw the Light. Cet album évoque les amours déçus, la vulnérabilité d’un homme, sa complexité aussi, mais sans jamais être mièvre. Goodnight Laura, étonnante ballade au piano, porte l’intimisme à son comble : l’enregistrement live transporte l’auditeur au milieu d’un vieux salon parqueté, où un homme semble murmurer à une oreille féminine « you close your eyes and slow yourself and let the worry leave you ». Sur Nobody Gets Me but You, on retrouve le groove habituel de Spoon, faussement optimiste, dans une dernière complainte solitaire. Tout l’enjeu de cet album réside en fait dans la capacité de Britt Daniel à adopter le ton juste, et il y parvient parfaitement. Ses propos sont sublimés par une musique brute mais délicate. Mois évidentes que la pop de Ga Ga Ga Ga Ga, les compositions de Transference ne sont pas pour autant d’un niveau inférieur.
Britt Daniel joue sur la corde sensible, sans jamais faire le moindre faux-pas, ni la moindre concession – quitte à rester confidentiel. Ce qui serait bien dommage.
Spoon, Transference – Merge Records
Le Myspace du groupe
La tracklist
1. Before Destruction
2. Is Love Forever?
3. The Mystery Zone
4. Who Makes Your Money
5. Written in Reverse
6. I Saw the Light
7. Trouble Comes Running
8. Goodnight Laura
9. Out Go the Lights
10. Got Nuffin
11. Nobody Gets Me But You
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble