Hélas, de Spiessert et Bourhis

Par Clementso

Des porcs, des tigres, des chiens. Des qu’il faut nettoyer souvent, pas forcément pour le plaisir. Des singes bleus comme la terre. Des qu’il faut se garder au chaud au fond d’une cave. Dans les yeux, dans le cœur, dans les bras d’une fillette. Qui s’appelle Hélas. Drôle de nom, nan ?
On l’a appelé comme ça, à défaut, dans ce Paris de 1910 où les humains sont des moins que rien, des animaux perdus au milieu d’autres animaux, civilisés, eux. Cette petite fille, Hélas, capturée par des braconniers, tombe entre les pattes d’une scientifique au physique porcin et au prénom hugolien – Léopoldine ! – qui entrevoit la possibilité d’une intelligence humaine, à raison. La fillette bafouille d’abord, puis parle pour dire son dégoût de la condition humaine : habitat précaire et harcèlement des chasseurs sans foi ni loi. Savant cocktail pour une extermination programmée…
 
Le professeur Rouquemonte, de l’Académie, entend bien s’approprier la découverte de sa jeune collègue.
Orgueil universitaire, concurrence de prestige, ou complot inavouable ? La course contre la montre qui s’amorce rapidement dans le récit et qui tient le lecteur jusqu’à la dernière page se fait dans les décors hallucinants d’un Paris noyé sous les eaux, dans lequel la barque a remplacé la voiture, et la rame, le cheval.
C’est un monde à l’envers qu’ont bâti Spiessert et Bourhis, pour mieux voir notre monde à l’endroit. Plus que les thèmes peut-être trop riches de ce one-shot, on retient des découpages qui soutiennent une aventure aux accents d’Hercule Poirot ou de Sherlock Holmes, aussi bien dans les lieux de l’action que dans les ambiances sombres, doucement éclairées à la bougie.