L’agronome du CICR, Laurent Maurice, a été libéré au Soudan samedi dernier par ses ravisseurs, 89 jours après avoir été enlevé dans l’est du Tchad.
Propos recueillis par Saleh Dabbakeh, chargé des relations CICR avec les médias à Khartoum.
Trois jours ont passé depuis ta libération. Comment te sens-tu ?
Pour commencer, je peux désormais rire comme je veux. Il m’était difficile de m’exprimer pendant ma captivité, parce que je n’étais pas censé attirer l’attention. Depuis ma libération, j’ai parlé à beaucoup d’amis et de collègues. J’ai pu parler à ma famille au téléphone et je vais bientôt les voir. Mes parents sont très heureux de m’avoir parlé, mais ils veulent voir leur fils, le toucher et voir quelle mine il a après son enlèvement.Comment les ravisseurs t’ont-ils traité ?J’ai été traité comme un invité, mais j’ai gardé une certaine distance par rapport à eux en signe de respect, afin de gagner leur respect. Ils m’ont en général donné de la nourriture européenne, et parfois j’en ai eu un peu assez de manger des macaronis deux fois par jour. Mais même s’ils m’ont bien traité, j’étais retenu contre ma volonté
Savais-tu ce qui se passait dans le monde ?
Les ravisseurs m’ont donné une radio chaque fois que j’en ai demandé une. Par exemple, j’ai écouté les nouvelles sur la conférence sur l’environnement à Copenhague. Mais la radio n’était pas simplement une source d’informations. Elle permettait à mon esprit de s’évader de ce que je vivais. C’était une façon de quitter les lieux, de me déplacer en dehors du cadre auquel j’étais confiné. Ensuite, la réalité me rattrapait. C’était un genre de soulagement temporaire.
En quoi l’enlèvement influe-t-il sur ton avenir avec le CICR et dans l’humanitaire ?
L’humanitaire, c’est ma vocation et ma profession. J’ai commencé dans ce domaine en 1998 et j’ai toujours voulu travailler un jour pour le CICR. C’est maintenant le cas, et je veux continuer. Les populations touchées par le conflit armé qui ont besoin de protection et d’assistance n’ont rien à voir avec les ravisseurs. Ils ont besoin d’eau potable, de meilleures récoltes, de nourriture, d’abris, etc. J’ai choisi de travailler dans le domaine humanitaire parce que je veux aider les gens.
Quand as-tu su que tu allais être relâché ?
Les ravisseurs me l’ont dit la veille. Je crois que je n’ai dormi qu’environ une heure cette nuit-là. Je suis resté éveillé à regarder les étoiles et la lune, à me demander si cela allait vraiment arriver, si j’allais enfin être libéré. Ensuite, après tout ce temps passé en captivité, les choses ont semblé se passer tout d’un coup, naturellement. On sait qu’on est libre une fois que cela arrive.Mille mercis à tous ceux qui ont contribué à ma libération. Il faut qu’ils continuent à faire le maximum pour la libération de Gauthier.
Quel message veux-tu adresser à Gauthier ?
Un message d’espoir. J’espère que Gauthier sera bientôt libéré. Je veux lui dire qu’une montagne de choses heureuses l’attend. Il y a tant d’amour, tant d’espoir, tant d’amis, et des tonnes de messages. J’espère que ma libération va entraîner la tienne très bientôt, Gauthier. Je sais que ce n’est pas facile d’attendre jour après jour d’être relâché. Mais je ne doute pas un instant que ta liberté soit bientôt au rendez-vous.