Cela fait pratiquement un quart de siècle que je suis tombé dans la marmite des écrits de Sir Arthur Conan Doyle.
Ses héros emblématiques, Sherlock Holmes, le très grand détective du 221b Baker Street, et son fidèle ami le Docteur John Watson accompagnent mes lectures depuis lors.
J’ai vu un grand nombre de versions télévisées et cinématographiques et la palme de l’interprétation revient indiscutablement à Basil Rathbone et Jeremy Brett.
L’annonce d’une nouvelle version mise en chantier par le très remarquable Guy Ritchie (mise à part son étrange "Revolver") ne pouvait que me combler de joie. L’attente fut longue au cours de ces derniers mois.
Hier matin j’ai eu le très grand plaisir de découvrir le "Sherlock Holmes" et je suis vraiment comblé. Le long métrage de Guy Ritchie est incontestablement une réussite.
Basée sur le comic book de Lionel Wigram, le film tranche par son originalité dès les premiers instants. Le dépoussiérage tant redouté par les puristes ne prend pas la forme d’une remise en cause générale du dogme holmésien. Guy Ritchie et ses scénaristes ont trouvé la formule idéale, le juste équilibre entre une modernité assumée et un respect de valeurs et de canons séculaires. Il faudrait être fort malhonnête pour ne pas reconnaître les formidables efforts réalisés par les initiateurs de ce projet. Nous sommes aux antipodes d’une caricature.
Du coup le Holmes de Ritchie n’est pas un ersatz du célèbre détective mais un vrai personnage Doylien qui aurait certainement plu à son géniteur. L’angle d’attaque choisi prend forme et surtout se tient d’un bout à l’autre du long métrage. Je suis persuadé que ce genre d’entreprise est salutaire.
Notre vision d’un personnage n’est pas une, indivisible et surtout figée. Nous avons besoin que notre imaginaire soit nourri sans cesse par de nouvelles approches. La marge de manœuvre est peut être plus limitée pour des personnages historiques alors que pour des êtres de fiction la latitude d’action est phénoménale.
"Sherlock Holmes" est un thriller policier passionnant et dynamique. L’histoire brasse assez large et intègre sans trop de difficultés un arrière plan et des éléments empruntés à l’occultisme, au satanisme et à l’ésotérisme. Le spectateur n’est cependant pas dérouté. Ce mysticisme ambiant est amené avec beaucoup d’efficacité. Guy Ritchie ne charge pas la note. Les séquences où nous côtoyons le côté sombre de l’âme humaine sont visuellement impeccables. Quel plaisir de croiser des personnages aussi énigmatiques, d’assister à la pratique de rites pluriséculaires.
"Sherlock Holmes" est aussi un film d’ambiance. Une chape de plomb semble recouvrir certains passages entiers du film. Le climat est lourd et le spectateur sent le piège se refermer sur lui inexorablement.
Si le long métrage est aussi réussi il le doit pour beaucoup, comme je l’ai dit plus haut, au traitement réservé au personnage de Holmes lui-même.
Guy Ritchie respecte l’esprit de l’œuvre de Conan Doyle, les traits de caractère et les pratiques du grand détective. Sherlock Holmes aime à se déguiser pour se fondre dans la masse pour observer ses ennemis. L’homme est doué pour nous livrer des déductions " logiques" de génie qui impressionnent son auditoire. Guy Ritchie fait subtilement référence à la toxicomanie de son personnage sans plomber l’ambiance car le ton du long métrage est résolument tourné vers le divertissement populaire.
Le côté misogyne de Holmes est plus que gommé. Sa relation avec Irène Adler, la femme dans la mythologie Holmésienne, n’en pâtît absolument pas. Le duel à fleuret moucheté entre le détective et l’intrigante, qui travaille en sous main pour l’un des pires adversaires de Holmes, est l’un des moteurs du film.
L’antre de Baker Street ressemble à un capharnaüm où l’atmosphère viciée (fumées d’opiacés divers et variés) stimule, comme le veut la tradition, la réflexion et la concentration.
"Sherlock Holmes" est aussi un film d’action. Guy Ritchie fait des choix et tient bon la barre pendant 120 minutes sans dévier d’un iota. On retrouve l’esprit de ses précédents longs métrages et la folle frénésie qui anime l’enchaînement des situations.
Car le metteur en scène n’y va pas avec le dos de la cuillère. Nous en prenons plein les yeux. La succession des séquences vertigineuses est on ne peut plus jouissive. Le réalisateur place la barre très haut. Le spectateur n’a pas le temps de se reposer sur ses lauriers.
Le Holmes de 2009 n’hésite pas à descendre dans l’arène pour se battre. Les scènes de combat, avantageusement placées dans les bandes annonces, ont certainement du effrayer les gardiens du temple de l’œuvre de Conan Doyle. Mais au final le constat est clair : le Holmes qui joue des pieds et des poings n’est que l’un des aspects de la personnalité très complexe du détective. L’une des plus grandes réussites de Guy Ritchie est d’avoir su mettre en valeur cette diversité.
Guy Ritchie impose aussi sa marque et son style dans sa manière de filmer. Le rendu des combats (avec un déroulement en deux temps, une phase au ralenti et un "live" survitaminé), l’utilisation de courts flash back didactiques sont autant d’éléments qui témoignent de l’approche originale d’un héros qui fait partie de notre quotidien depuis des lustres (qui ne connaît pas le chapeau, la pipe ou les célèbres répliques de Holmes sans avoir lu la moindre de ses aventures).
Le réalisateur use sans abuser de plans de caméra et d’angles qui donnent de la consistance à l’œuvre.
Le long métrage bénéficie d’un habillage plus que léché. Les visuels du Londres de la fin du 19ème siècle sont vraiment superbes. Les plans où nous voyons surgir le Tower Bridge en construction valent réellement le détour.
Nous assistons à l’alternance de séquences où la lumière du jour a ce petit côté rassurant et protecteur alors que l’obscurité dans laquelle se déchaînent les forces du mal nous enveloppe de son noir manteau. Les jeux de lumière remplissent à merveille leur fonction.
Le long métrage tire un grand bénéfice des relations entre les personnages. L’attache principale unit bien sûr Sherlock Holmes à son fidèle Watson. Dans le film de Guy Ritchie, l’illustre second retrouve un rang qui lui est du alors que par le passé le médecin n’avait qu’un emploi de simple faire valoir. Les dialogues sont d’une finesse incroyable. On sourit beaucoup car les réparties de Holmes et de Watson touchent leur cible à chaque fois.
Robert Downey Jr est énorme en Holmes version 2009. L’acteur américain impose sa présence, son charisme à chaque seconde. Un vrai rôle de composition. Tout en campant le protagoniste avec une réserve toute britannique, on sent en même temps que le bonhomme a un grain de folie au fond des yeux.
Jude Law interprète un Watson élancé, aérien qui donne sa pleine mesure dans sa confrontation/amitié avec Holmes.
Rachel McAdams est la touche de grâce du long métrage. Son rôle d’héroïne calculatrice et manipulatrice lui sied à merveille.
Mais la vraie révélation du film est le phénoménal Mark Strong qui campe un Lord Blackwood séduisant et magnétique à souhait. Du personnage émerge une force de caractère incroyable.
A leurs côtés Guy Ritchie nous propose comme à son habitude une galerie de seconds rôles hauts en couleurs. A noter la performance d’Eddie Marsan en inspecteur Lestrade.
Le film de Guy Ritchie est un pur divertissement qui comblera les fans de l’univers de Sherlock Holmes et les autres. Le réalisateur écossais a su concilier modernité et tradition pour capter tous les publics. Son film est frais, dynamique et l’histoire passionne.
Nul doute qu’une suite s’impose.
Je vois déjà se dresser l’imposante stature du Napoléon du Crime, j’ai nommé le redoutable Professeur Moriarty.
(A suivre)…