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Etat chronique de poésie 809

Publié le 10 février 2010 par Xavierlaine081

809

La ville a revêtu toge de beauté pour célébrer ses noces, à l’aube de l’hiver.

Un grand silence à accueilli les premières lueurs du jour.

Mes compagnons de plume, sous la génoise n’osent mettre le bec dehors. Je les entends qui chuchotent, en pépiements discrets…

Bien au chaud, eux aussi calculent leurs chances de survivre encore, jusqu’au printemps de leurs rêves…

C’est si belle expérience que ce froid manteau posé, tandis qu’en dedans, le Vésuve de l’impatience parfois ne demande qu’à entrer en activité.

Alors on voyage de pays en pays, on s’invente des outils capables de nous transporter dans l’heure d’une rive à l’autre d’océans que nos bourses ne nous permettraient nullement de franchir.

Là, nos esprits se rencontrent, échangent, partagent des passions non mercantiles, d’infinies idées qui trouvent écho en multitudes d’expérimentations quotidiennes…

De partout monte une autre façon de voir et de s’inventer le monde.

Bien sûr rien ne se voit encore à l’échelle macrocosmique où naviguent les édiles et leurs serviteurs médiatiques zélés. Mais ce qui vient a la force d’une humanité responsable d’elle-même, chose inespérée encore, et improbable…

Mais que la vie soit sur notre terre est en elle-même une improbabilité, alors…

Alors nos vaines querelles n’ont que bien peu d’importance au regard de ce « tout monde » qu’il nous reste à édifier, sur les cendres encore fumantes de celui-ci.

Or, ce qui semble bien se produire est inédit : nul besoin de brûler les vieilles icônes, elles s’écroulent d’elles-mêmes !

Nous voici donc dans une poussée évolutionnaire bien plus enthousiasmante que les pauvres vociférations d’une révolution : elle nous évitera peut-être la déconvenue de nous voir, immanquablement, revenir à notre point de départ.

C’est une poétique qui s’installe, capable de réinventer une humanité, libre car en phase avec ses véritables besoins, capable de vivre sans détruire son berceau…

Ce qui se réinvente se nourrit de la soif insatiable d’une nouvelle civilisation, favorable à l’épanouissement de chacun, tous s’enrichissant des inventions particulières.

« Tout en fait a recommencé, mais sans qu’on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de la vie. 

Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, nulle administration ne les dénombre, nul parti n’en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. Il s’agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs. Ce sont ces voies multiples qui pourront, en se développant conjointement, se conjuguer pour former la voie nouvelle, laquelle nous mènerait vers l’encore invisible et inconcevable métamorphose. Pour élaborer les voies qui se rejoindront dans la Voie, il nous faut nous dégager d’alternatives bornées, auxquelles nous contraint le monde de connaissance et de pensée hégémonique. Ainsi il faut à la fois mondialiser et démondialiser, croître et décroître, développer et envelopper. »[1]

Nous sommes au pied du mur : une indiscutable poétique souffle qui peut nous révéler à nous-mêmes des capacités insoupçonnées. Elles dorment, pour le moment, sous le manteau blanc, tellement utile à notre germination.

Que le prix littéraire des lycéens de la région Provence Alpes Côte d’Azur, sous le haut patronage de l’Agence Régionale du Livre et du Conseil Régionale, limite la littérature proposée au roman et à la bande dessinée, sans même offrir le moindre strapontin à la parole poétique n’est que le symptôme d’une société figée, craintive devant les bouleversements à venir, et qui se cramponne à ses infimes parcelles de certitude pour se donner l’illusion de pouvoir durer…

Ce n’est que leurre ou mirage qui ne trompent plus guère. L’essentiel est désormais ailleurs…

Manosque, 10 janvier 2010

[1] In Edgar Morin, Eloge de la métamorphose, Le Monde, 09 01 2010

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