L’amour (Adélaïde Dufrénoy)

Par Arbrealettres


Passer ses jours à désirer,
Sans trop savoir ce qu’on désire;
Au même instant rire et pleurer,
Sans raison de pleurer et sans raison de rire;
Redouter le matin et le soir souhaiter
D’avoir toujours droit de se plaindre,
Craindre quand on doit se flatter,
Et se flatter quand on doit craindre;
Adorer, haïr son tourment;
À la fois s’effrayer, se jouer des entraves;
Glisser légèrement sur les affaires graves,
Pour traiter un rien gravement,
Se montrer tour à tour dissimulé, sincère,
Timide, audacieux, crédule, méfiant;
Trembler en tout sacrifiant,
De n’en point encore assez faire;
Soupçonner les amis qu’on devrait estimer;
Être le jour, la nuit, en guerre avec soi-même;
Voilà ce qu’on se plaint de sentir quand on aime,
Et de ne plus sentir quand on cesse d’aimer.

(Adélaïde Dufrénoy)