CJUE, arrêt du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos, C-118/08.
La société Transportes Urbanos entendait, sur base de l'arrêt Commission/Espagne (C-204/03), récupérer des droits de TVA perçus en violation du droit communautaire par le Royaume d'Espagne. Hélas pour elle, les dléias de contestation des impôts versés étaient écoulés (on connaît la jurisprudence de la Cour, particulièrement tolérante à l'égard des délais de prescription, parfois très courts, imposés par les Etats membres en cas de contestation d'impôts). Elle choisit donc de porter le débat sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle de l'Etat espagnol en assignant l'Etat devant le Conseil des ministres.
On lui opposa qu'elle n'avait pas épuiser les voies de recours internes avant de recourir à cette voie., condition exigée en cas de mise en cause de la responsabilité de l'Etat en cas de violation du droit communautaire Son action ne fut donc pas accueillie. Le Tribunal suprême espagnol est saisi du recours de la société contre ce refus du Conseil des ministres. Il décide d'interroger la Cour de Justice sur la compatibilité de cette règle procédurale avec les principes d'équivalence et d'effectivité. En effet, s'agissant de la mise en cause de la responsabilité de l'Etat espagnol lorsqu'une loi nationale est contraire à la Constitution nationale, la condition d'épuisement des voies de recours internes n'est pas requise.
La Cour rappelle tout d'abord quelques principes bien établis (nous laissons de côté les questions de recevabilité de la QP):
"La Cour a jugé que les particuliers lésés ont un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers (...) La Cour a également eu l’occasion de préciser que, sous réserve du droit à réparation qui trouve ainsi directement son fondement dans le droit de l’Union dès lors que ces conditions sont réunies, c’est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu’il incombe à l’État de réparer les conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne (principe d’équivalence) et ne sauraient être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation (principe d'effectivité)" (points 30-31)
La Cour va se contenter d'analyser la compatibilité de la législation espagnole avec le principe d'équivalence. C'est en fait un peu dommage: une réponse sur la compatibilité d'une telle règle avec le principe d'effectivité (l'AG se penche sur cette questions dans ses conclusions) aurait certainement donner une autre portée, beaucoup plus générale, à cet arrêt. Mais la Cour concluant à la violation du premier principe, l'analyse du second lui paraît superflue.
Pour sa défense l'Espagne soulignait certaines différencesentre les deux actions. Selon elle, une loi nationale bénéficie d'une présomption de conformité avec la Constitution, ce qui implique que seul le Tribunal constitutionnel espagnol peut se prononcer sur cette compatibilité. Ceci a des conséquence spour la validité des actes administratifs qui découlent de cette loi: ils ont également une sorte de "légitimité" constitutionnelle acquise. S'agissant du droit européen, au contraire, aucune loi, donc aucun acte administratif, ne jouit d'une présomption de conformité. Dès lors, toute juridiction peut normalement soulever la contrariété d'un acte administratif avec le droit européen. cette différence de statut justifierait donc que l'épuisement des voies de recours soit imposée dans le second cas et pas dans le premier.
Quoiqu'il en soit, la Cour conclut à la violation du principe d'équivalence dans ce cas. En effet, selon elle, les deux procédures de mise en cause de la responsabilité de l'Etat, pour violation d'une règle constitutionnelle ou européenne, sont essentiellement similaires et ne justifient donc pas un traitement divergent.
En effet, "selon la décision de renvoi, si Transportes Urbanos avait pu fonder son action en responsabilité sur un arrêt du Tribunal Constitucional déclarant la nullité de la même loi pour violation de la Constitution, cette action aurait pu prospérer" (point 42) et ce indépendamment de l'épuisement des voies de recours pour contester l'impôt dû. Dès lors, "il apparaît des considérations qui précèdent que, dans le contexte particulier ayant donné lieu à l’affaire au principal tel qu’il a été décrit dans la décision de renvoi, la seule différence existant entre les deux actions (...) consiste dans la circonstance que les violations de droit sur lesquelles elles se fondent seraient constatées, pour l’une, par la Cour dans un arrêt rendu au titre de l’article 226 CE et, pour l’autre, par un arrêt du Tribunal Constitucional" (point 43).
"Dans une telle situation, il y a lieu de relever que les deux actions susmentionnées peuvent être considérées comme similaires" (point 44) et le traitement différencié viole donc le principe d'équivalence.