Believe it... or not
Le premier sentiment très fort qui s'impose à moi, c'est d'avoir, globalement, été prise pour une quiche. L'arsenal promotionnel m'avait déjà mis la puce à l'oreille, et ça s'est très vite
confirmé en salle. Vantée comme un événement sans précédent digne de la venue de Dieu le Père sur Terre, la sortie d'Avatar a été lourdement accompagnée, comme il se doit, d'un cérémonial quasi émouvant censé nous rappeler à qui nous avons affaire. James Cameron, le papa de Terminator, d'Alien, et de Titanic, sort un nouveau film! Et quel film! Une production en gestation depuis plus de dix ans! Forcément, de la part d'un réalisateur aussi inventif, ça va en jeter! La
bande-annonce débarque, et là, ça se corse singulièrement: des bonhommes bleus, des militaires, une guéguerre pour la domination du territoire... Hum. Y'a-t-il vraiment là-dessous quelque chose
qui justifie que l'on y pense dix ans avant de le tourner? De plus en plus sceptique je suis. Et puis le film fait un démarrage monstre, et tout le monde de me presser d'aller le voir parce que
"c'est troooooop beauuuuu", surtout en 3D parce que "ça colle mal à la tête,
mais c'est pas grave, c'est encore plus beauuuuuu". Motivation en berne. Et puis le box office explose. Et là je décide clairement que les Na'vi attendront d'être compilés sur dvd.
Jusqu'à ce qu'on fasse pression sur moi pour que je me décide à honorer le dernier-né de Cameron (c'est parfois dangereux la vie de cinéphile).
Tout commence comme un - bon - film de science fiction. Un voyage dans l'espace, des passagers cryogénisés qui s'éveillent à l'approche de leur destination, et une planète atypique: Pandora. Un
anti-héros de choix - paralysé des deux jambes - qui suscite d'emblée la sympathie et les attentes les plus diverses. Et un concept novateur (vraiment?): les terriens sont là pour extraire un
minerai fort précieux sur une planète dont l'atmosphère leur est toxique. Ils ont donc recours au programme Avatar. Les avatars, ce sont des clones génétiquement modifiés des chercheurs basés sur
Pandora et habilités à aller déambuler dans le vaste monde pour se mêler aux autochtones, les Na'vi, à qui ils ont piqué quelques cellules pour façonner leus avatars à la mode Pandora. De fait,
ils sont mi-humain, mi-Na'vi. Donc bleus, et mesurant pas loin de deux mètres. Ces avatars sont commandés par la pensée par leur souche humaine, qui pilotent depuis des caissons hermétiques
(claustrophobes s'abstenir). Voilà pour le topo. Si, comme ça, ça ne vous semble pas familier, moi, en vingt minutes, j'avais déjà en tête Armageddon et
Matrix. Question innovation, je ne me suis pas franchement sentie cueillie, donc.
S'enssuit la rencontre avec une galerie de personnages caricaturaux (le GI Joe plus Marine que ça tu meurs, l'intello sapé dans son savoir, la scientifique en bute avec le reste de la galaxie, le
bureaucrate qui fait dans son froc, la militaire qui se la joue rebelle...) qui, de fait, vont globalement faire ce que l'on attend d'eux au regard de ce qu'ils se bornent à être (GI Joe va tout
faire péter, l'intello va enseigner, etc...). Et, enfin, nous est exposé la vraie problématique: le gisement de minerai que convoite ardamment la compagnie subventionnant Avatar (elle a
un nom ou j'ai zappé?) se trouve sous le centre-ville de Na'vi-ville. Conclusion: il faut les déloger, en bons colonialistes que nous sommes. Et GI Joe trouve un allié inattendu dans ses plans
pour détruire "la cible": Jake, l'ex-soldat paraplégique, a viré geek et s'éclate comme un fou a piloter son avatar. Il a même lié connaissance avec les Na'vi. Il va donc pouvoir jouer les taupes
au sein des autochtones pour mieux les entuber par la suite. GI Joe y croit, et moi... pas. D'emblée, la conclusion du film nous est à portée de main: la trahison va tourner court et Jake va
finir par se rebiffer contre GI et ses Joes. CQFD. Le tout est de savoir comment... ce qui justifie allègrement les 2h30 de film restantes.
Le deuxième sentiment qui s'impose à moi, c'est l'incrédulité. Je peine à croire que Cameron ait réellement gambergé si longtemps pour nous sortir ça. Question scénario, on a plutôt
l'impression que ça été torché en deux coups de cuillère à pot. Ni novateur, ni surprenant. L'ensemble de l'histoire est d'un convenu! C'en est affligeant. En bref, l'intrigue d'Avatar se réduit à ce simple concept, usé jusqu'à la corde: la Nature, c'est beau, il faut la protéger. Les Humains,
c'est cons, il faut les achever. On enrobe un peu, et le tour est joué! Cameron joue donc à fond la carte du cinéma responsable, préparant la prochaine campagne de parrainage Greenpeace,
démontrant plus de deux heures durant la suprématie de la force vitale, naturelle des choses, et le respect total dû au cycle du vivant. C'est louable. Mais fait sans la moindre subtilité.
Du côté des Na'vi, la surprise n'est pas complète non plus. Des créatures bleues, on en a déjà croisé légions (Star Wars, Watchmen, X-men...). Celles-ci ont la particularité d'avoir été pensées à partir de la culture noire africaine, lui conférant une
aura certes fort sympathique, mais qui, de loin en loin, m'a évoqué la légende du Roi Lion (l'Afrique, le cycle de la vie, l'esprit de la nature...).
Quand à la romance, inévitable, bien que superbe, elle évoque clairement Pocahontas, qui semble être le fil rouge scénaristique d'Avatar. Même Disney est déjà passé par là (c'est dire!).
Avatar fait donc flip... et flop.
Je noircis peut-être un peu le trait, mais c'est pour mieux souligner mon incompréhension du phénomène généré par Avatar. Car bon sang, crier au génie devant une telle oeuvre, aussi belle soit-elle d'un point de vue formel, cela dépasse mon entendement. M'est
d'avis que les fans absolus du film l'ont tous vus en 3D, se gargarisant devant l'affranchissement des limites de l'écran autorisé par le procédé, sublimant l'image.
Car oui, Avatar est malgré tout sublime.
I see you...
La véritable innovation que l'on peut saluer sans conteste ici, c'est la parfaite symbiose entre humain et digital, entre réel et imaginaire. Car en mêlant ces deux mondes si fondamentalement
divergents, Cameron est parvenu a créer une harmonie parfaite, un ensemble cohérent, sans fioritures, et dont les frontières ne sont plus discernables. Pas un raccord n'est visible, pas un bout
de ficelle ne traîne, pas d'horrible sensation d'avoir affaire à un fond vert repixellisé à l'envi. C'est... douloureusement beau. Les couleurs, les lueurs, les lignes, tout se fond et se confond
en un panorama unifié, dense, magnifié. C'en serait parfaitement crédible s'il ne subsistait, ça et là, des rappels tangibles que tout ceci n'est bel et bien que le fantasme issu d'un esprit
créatif. Ainsi, les créatures vivant sur Pandora passent pour bien trop improbables et, de fait, incroyables. Sans elles, difficile de trier le vrai du faux, à moins de renoncer à ce
qu'Avatar recèle de plus beau, de plus esthétique. L'Arbre des Âmes en est un flagrant exemple, à la fois
témoin de ce que l'imaginaire a de mieux et de ce que la technique a de prodigieux. Tandis que Pandora déroule son tapis verdoyant aux milles reflets sous nos yeux conquis, la magie prend forme,
peu à peu, distillant une atmosphère particulière, aux frontières du réel, déclinée au gré de plans à couper le souffle, aux atours de poèmes. Dés lors, on baisse un peu la garde, et l'on tombe
sous le charme des Na'vi, peuple aux allures primitives mais qui, dans sa simplicité et dans la connaissance qu'il a du monde et des êtres qui le peuplent, transcende l'Homme et sa soi-disant
toute puissance. Dés lors, on se prend au jeu de ce récit sans idées nouvelles, qui a néanmoins le mérite d'être fort bien raconté, et de flatter les élans écolos de chacun. Car comment résister
à un tel plaidoyer en faveur du Vivant, quand il est si flamboyant, si fort de sens, si vibrant? Le tout atteignant son paroxysme lors de l'attaque de l'Arbre-Maison, dantesque, et clôturé par
une bataille splendide, galvanisante juste ce qu'il faut, orchestrée de main de maître. Du grand et beau spectacle, qui se pare de grâce, d'une certaine intelligence et d'une réelle passion.
Difficile de résister, du moins complètement.
This is our world
On dit souvent qu'on ne se lasse pas d'entendre encore et toujours les mêmes histoires, pour peu qu'elles nous soient racontées différemment. C'est ce que fait James
Cameron, en relayant à son tour une idée de ce que doit revêtir l'engagement écologique: la connaissance de son espace, de sa faune, de sa flore, et le respect sans bornes pour cette
énergie déployée, sans cesse renouvelée, sans cesse dispensée, nous unissant en un tout nécéssaire et cohérent. Beau programme. Vérité universelle. Mais le message résonnera-t-il vraiment de
façon positive en chaque spectateur d'Avatar? Rien n'est moins sûr... Le tout est grandiloquent, brasse
beaucoup d'air pour pas grand chose, et passe parfois pour abêtissant. Mais si Cameron parvient à éduquer un peu Hollywood, ce sera franchement un moindre mal. Pour le reste, il suffira de
renouer avec son âme d'enfant, et de se déparer de ce cynisme que la vie nous enseigne, pour jouir pleinement d'un spectacle magnifié, édifiant et sincère.
*Indice de satisfaction:
*2h41 - américain - by James Cameron - 2009
*Cast: Sam Worthington, Sigourney Weaver, Zoe Saldana, Giovanni Ribisi, Michelle Rodriguez, Stephen Lang,
Joel Moore...
*Genre: C'est ma Terre...
*Les + : Une maîtrise visuelle sans précédent, qui fait rimer poésie avec cinéma. Magnifique. La musique est
superbe. Sam Worthington confirme tout le bien qu'on pensait déjà de lui, Sigourney Weaver se retrouve toujours avec plaisir, et Zoe Saldana, tout de bleu vêtue, crève l'écran.
*Les - : Un scénario bateau, une morale pour classe de primaire... 3D, 2D, peu importe: c'est bien
caricatural tout ça.
*Liens:
Site officiel
*Crédits photo: © Twentieth Century Fox France