Maud n'a pas hésité à répondre à mon interview, que voici ! Celle ci vous incitera à lire ce livre si vous ne l'avait pas encore lu, ou encore à vous procurer ses deux prochaines parutions !
Pourrais tu commencer par nous rappeler ce qui t'a mené à prendre la plume pour écrire Dis oui Ninon, nous rappeler comment Ninon est né ? .
Dis oui, Ninon n’était pas un projet mûri à long terme, il s’est imposé. Je venais d’écrire deux romans (qui n’ont pas été publiés) et j’avais décidé de faire une petite pause au Maroc. Sur le trajet en voiture cette histoire est née. Elle s’est construite entre Casa et Essaouira, à mon insu ! En arrivant, je n’ai pas tenu plus de 5 minutes, j’ai ouvert mon ordi et j’ai commencé, comme poussée malgré moi. Je n’avais pas l’impression d’écrire cette histoire, mais plutôt qu’elle s’écrivait à travers moi. C’était très fort, un immense bonheur, mais j’ai beaucoup pleuré aussi, comme si mon enfance me sautait au visage.
Initialement, j’avais pris la plume quelques mois plus tôt. Suite à un souci de santé j’avais arrêté de travailler et écrire me permettait de continuer à créer, à mon rythme, en tenant compte de mes limites
Te souviens tu de ton ressenti lorsque tu as appris que
tu allais être éditée par Stock ?
Oui ! J’ai pensé que c’était une grosse blague, j’ai passé mon temps à essayer de deviner quel copain imitait la voix de Jean-Marc Roberts ! Mais quand il a parlé de Liliane Rodd, une autre éditrice, j’ai su que c’était bien lui.
Après, j’ai stressé ! Il devait me rappeler deux jours plus tard, il n’avait lu que les 100 premières pages. Et j’avais eu cette expérience avec Anne Carrière pour mon tout premier manuscrit, elle m’avait appelée, très excitée, sa lectrice en chef avait adoré et elle ne m’a jamais recontactée. Mais Jean-Marc m’a rappelée comme convenu le lundi matin à onze heures.
Après, j’ai stressé encore plus ! (je suis, comme qui dirait, d'un naturel anxieux !) J’étais heureuse bien sûr mais morte de trouille. J’avais peur de ne pas leur plaire, de n’être pas crédible, de les décevoir et qu’ à la finale, ils ne veuillent pas de moi
Dis Oui Ninon a remporté un énorme succès littéraire bien relégué aussi par la blogosphère. T'attendais tu à un tel succès ? Un an après, quel est ton point de vue sur cette époque ?
Je ne m’attendais à rien. Enfin, j’essayais de ne rien attendre !
Et ce n'était pas non plus un "énorme succès", mais un succès de librairie qui s'est fait tout doucement grace au bouche à oreilles (sous toutes ses formes), ce qui est vraiment très bien pour un premier roman et qui donne sa chance au prochain. Mais rien à voir avec les grands succès comme Les déferlantes, par exemple.
ça m'a fait immensément plaisir mais je ne l’ai pas pris pour moi, plutôt pour Ninon, et pour l’enfant que j’ai été. Comme une réconciliation.
J’avais vraiment l’impression que le livre était une entité à part entière.
Aujourd’hui, quand je repense à ce moment, je pense au stress, la peur qu’il ne vive pas, que personne ne le lise. Je me souviens être allée en librairie le jour de la sortie et avoir remarqué que personne ne l’achetait. J’étais en apnée, je me disais souvent : C’est fini, il va aller au pilon.
La joie est venue ensuite, quand j’ai commencé à
rencontrer des lecteurs, quand des articles ont parus, quand j’ai lu les chroniques, quand j'ai su qu'il serait traduit et qu’il paraîtrait en poche. J’ai pris conscience que c’était réel et que
j’avais une chance énorme. Que j’étais vraiment privilégiée.
Quand on écrit ainsi un premier livre qui rencontre ce succès, je suppose que l'éditeur "presse" l'auteur de se remettre au travail. Comment être sûr que l'alchimie va reprendre, que l'on va retrouver de l'inspiration et ne pas faire face à la feuille blanche ?
Mon éditeur ne m’a pas pressée, au contraire, il a repoussé la date de sortie de mon prochain pour laisser Dis oui, Ninon vivre encore un peu.
J’ai signé pour D’où je suis, je vois la lune avant la parution de Dis oui, Ninon en décembre 2008. J’en avais écrit les deux tiers que j’avais fait lire à mon éditeur. Je l’ai terminé en janvier 2009. L’attente était longue ! J’avais très peur de ne plus l’aimer quand il sortirait.
Ce deuxième a été douloureux à écrire, comme tout deuxième parait-il. Pas vraiment à écrire, en fait, mais à commencer. Je ne retrouvais plus la joie intense d’écrire, je comparais avec Ninon, je pensais qu’il serait refusé… J’ai écrit deux débuts avant celui-ci, sur d’autres sujets, et un matin, par hasard j’ai écrit cette phrase « J’ai chouré un bloc-notes à la maison de la presse, un petit rectangle orange avec les pages qui s’arrachent, j’ai caressé le dessus comme ça pendant longtemps et j’ai senti le papier, c’était pas comme dans mes souvenirs avec l’odeur de poussière, ça sentait presque rien, une sorte de pétrole désaromatisé, le même que celui que Boule balançait l’hiver dernier sur les ordures pour se réchauffer. »
Et c’était parti. Mon roman venait de se dessiner. Initialement je pensais avoir 2 narrateurs mais très vite j’ai su que Moon allait prendre toute la place.
Je venais d’écrire 2 débuts de romans (50 pages chacun), et celui-ci s’imposait, j’ai tout de suite retrouvé l’énergie, la joie, mais sans comparer car ça touchait une autre part de moi, pas la petite fille.
Tout au long de l'écriture, je n’étais sûre de rien, l’alchimie est quelque chose de si fragile !
Le plus difficile pour un deuxième, je trouve, c'est la peur terrible de décevoir, surtout après le succès que Dis oui, Ninon a rencontré sur les blogs, je redoute les premiers billets... Je pense que je n'allumerai pas l'ordi pendant quelques temps après la parution :)
Se pourrait il qu'un jour, il y ait une suite à Dis oui Ninon, qui nous apprendrais par exemple ce que devient Ninon à l'adolescence ?
J’y pense parfois. Mais souvent les suites sont décevantes, donc je n’y réfléchis pas plus que ça.
Les prochains mois vont être chargés pour toi puisque tu sors
ton 2ème roman chez Stock "d'où je suis je vois la lune" le 9 mars... Que peux tu nous révéler sur ce livre.?
Je peux te donner la quatrième...
On vient de la finaliser, la voici :
Moon a choisi la rue parce qu’elle a décidé d’être « elle-même dans ce monde où les gens sont devenus des autres ». Elle ne fait pas la manche, elle vend des sourires, et observe avec malice le manège des gens pressés.
« Je dis : Avec cinquante centimes d'euros, qu'est-ce qu'on achète à notre époque? J'insiste, il accélère, petite pirouette : Non sans dec, à ce prix, franchement, tu trouves des trucs intéressants à acheter? Le type finit par s'arrêter, il se demande où je veux en venir, et c'est là que je sors le grand jeu, tutti et compagnie, je dis : Un sourire à ce prix-là, c'est pas cher payé! Et j'attends pas qu'il accepte, je lui refourgue un petit sourire façon majorette à dentelles, épaule en arrière et tête haute. Le type soupire, il pense qu'il se fait avoir. Il n'a que dix centimes mais je lui fais quand même le sourire en entier. Je suis pas une radine. »
Autour d’elle, il y a Michou et Suzie avec leur caddie, Boule, son crâne rasé et sa boule de billard à dégainer en cas de baston, les kepons migrateurs avec leurs crêtes de toutes les couleurs et surtout, il y a Fidji et ses projets sur Paname. Pour lui, elle a décidé d’écrire un roman, un vrai.
Et il y Slam qui sort de prison, Slam qui aime les mots de Moon et a une certitude : un jour, elle décrochera la lune…
Ce que je peux révéler : C’est une histoire de mots, d’amour et d’amour des mots… ça se passe dans la rue, mais ce n’est pas triste.
Il me semble qu'un autre écrit ait trouvé éditeur puisque paraît aussi, au mois de mai, chez Thierry Magnier, "J'ai 15 ans et je ne l'ai jamais fait". Comment présenterais tu ce bébé là ?
C’est un roman pour grands ados mais qui est, je pense, tout à fait adapté aux adultes aussi. Je me suis beaucoup amusée, sans trop me demander à qui je l’enverrai, est-ce qu’il plairait, est-ce qu’il serait éditable… Je l’ai écrit pour retrouver confiance car j’avais complètement et à nouveau perdu confiance en moi, je n’avais pas réussi à écrire pendant 9 mois et la sortie de « D’où je suis… » venait d’être repoussée. J’ai pensé qu’il y avait urgence personnelle et je m’y suis mise.
« J’ai 15 ans et je ne l’ai jamais fait » est une histoire racontée par 2 narrateurs, Capucine qui n’a qu’une idée en tête : perde sa virginité, et Martin, un musicien très sensible.
Je l’ai envoyé par la poste…
Aujourd’hui j’en écris un nouveau qui me tient énormément à cœur. Je ne sais pas encore si je vais le proposer en jeunesse ou chez Stock. C’est l’histoire de 3 adolescents en rupture sociale qui se retrouvent ensemble dans une maison d’accueil à la campagne.
La sortie d'un livre, et à raison de plus de deux livres, signifie aussi un petit tour de France de salons Littéraires et de séances de dédicaces... Comment fait on par allier ce rythme effréné avec sa vie personnelle et sa vie professionnelle ?
C’est très intense ! J’ai 2 enfants, un métier, un amoureux, un appartement que nous rénovons, et j’essaie de trouver le temps d’écrire… J’ai d’ailleurs arrêté le blog par manque de temps et d’énergie, et non par manque d’intérêt ni parce que je pensais en avoir fait le tour, mais parce que j'ai dû faire l’impasse sur certains projets.
C’est intense et très agréable, la rencontre
avec les lecteurs donne beaucoup d’énergie et je pense que cette année je serai plus détendue. J’ai moins peur que la porte se referme aussi vite qu’elle s’est ouverte. Je sens que ma maison
d’édition me fait confiance, et chez Thierry Magnier aussi, et j’ai moins peur de décevoir mes éditeurs.
Tu as passé une grande partie de ta vie à voyager de par le monde ? N'aurais tu pas envie de temps en temps de reprendre la route ?
Je retourne au Maroc… et je voyage d’une autre façon qui aujourd’hui me comble. C’est drôle, pendant longtemps je ne pensais que je ne vivrais pas en France et il s’avère que j’écris en français et que donc c’est ici que j’ai le plus à faire (tant que l’inspiration sera au rendez-vous).
Quelle lectrice es tu ? Quels sont tes 3 derniers coups de coeur littéraires ?
Je lis de tout, sans à priori. J’aime les écritures simples, limpides et la joie derrière les mots.
Mes derniers coups de cœur :
Slam de Nick Hornby (que la blogueuse Lutecewoman m’a conseillé) , j’aime cet auteur, l’humanité qui se dégage de ses livres, sa façon de nous faire entrer physiquement dans les personnages, l’amusement de l’auteur, sa simplicité.
Twist de Delphine Bertholon (nous avons fait une signature ensemble, on s’est envoyé nos livres) J’ai été bluffée par ce roman ambitieux et d’après moi très abouti. Elle a su faire d’un sujet douloureux un roman léger et gracieux.
En cage de Kalisha Buckhanon au Rouergue Doado,
un roman épistolaire poignant qui touche un sujet auquel je suis très sensible : l'univers carcéral.