Pesticides ou l'amour de la nature à la française

Publié le 12 novembre 2007 par Angélie Baral @Greenvibes

Nous avons beau dos d'accuser les agriculteurs de polluer les nappes phréatiques. Certes, l'usage surdosé de produits phytosanitaires est fréquent. Mais ce serait oublier un peu trop vite que les jardiniers amateurs sont à l'origine de 7% du tonnage total annuel, dispersant quelques 8000 tonnes de produits chimiques dans leurs petits coins de "nature".  D'ailleurs, l'usage de pesticides semblent être une tradition française particulièrement bien ancrée: la France, avec 76.100 tonnes de matières actives commercialisées en 2004, est le 3ème consommateur au monde de pesticides et le 1er en Europe (30% des quantités totales utilisées).

Or, ces substances se retrouvent rapidement dans les rivières, les nappes et jusque dans les villes. Elles sont dispersées dans les jardins publics (ex. le site de mesure des Halles au coeur de Paris a relevé 8 herbicides, 4 insecticides et 7 fongicides), mais également transportées par voie des airs -  de récentes études indiquant qu'elles pouvaient parcourir 10 km dans l'atmosphère et retomber en plein milieu urbain! Les conséquences sont dramatiques pour les écosystèmes, notre santé... et notre portefeuille.

En effet, il y a encore quelques mois, la France était menacée de sanctions record par la Commission Européenne (par "record", entendez près de 500 millions d'euros...). Elle vient tout juste d'échapper aux 30 millions d'amende pour pollution aux nitrates des eaux bretonnes. Pourtant, les solutions existent (oserais-je dire, comme d'habitude...).

Ainsi, cela fait 20 ans que le Danemark a engagé une politique de réduction de l'usage des pesticides. Un premier Plan d'Action Pesticide a été lancé dès 1986, après avoir observé un déclin de la biodiversité proportionnel à un accroissement de l'utilisation de produits phytosanitaires. Ces efforts ont payé: la fréquence d'applications a vu son taux passer de 3,1 sur la période 1990-93 à 2,1 entre 2001-2003. Le pays en est à son 3ème Plan d'Action pour la période 2004-2009, avec un objectif d'une fréquence d'application inférieure à 1,7 d'ici à 2009 - soit une réduction de moitié en 20 ans.   

Le Parlement européen vient d'approuver la révision de la Directive sur les pesticides datant de 1991 avec un renforcement des règles européennes en matière d'autorisation et d’usage de ces produits. Mais il y a de fortes chances que les taux soient fixés par les Etats Membres. En France, selon les conclusions du Grenelle de l’environnement, les 30 substances les plus dangereuses devraient être retirée dès 2008, avec une cinquantaine de produits interdits d’ici quatre ans et un objectif de réduction de moitié de la fréquence de traitement des pesticides d’ici 10 ans.

Malheureusement, un "si possible" est venu se coller à cet objectif dans le discours de clôture de Nicolas Sarkozy, demandant au ministre de l’agriculture, Michel Barnier, de proposer "un plan [d'ici un an] pour réduire de 50% l’usage des pesticides, dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent".

Et si nous disions "Si possible, nous payerons nos impôts"?

Lire également l'article du blog "Un petit tour dans le jardin"

Sources:
- "Les dispositions réglementaires en vigueur concernant les produits phytosanitaires", site de la DRAF - Pays de Loire
- "La France reste sous la menace de sanctions record par Bruxelles", actu-environnement (28 juin 2007)
- "Danish lessons on pesticides", Euractiv (22 mars 2007)
- "Le Parlement européen et le Grenelle de l’environnement en phase sur la réduction des pesticides", Euractiv (26 octobre 2007)
- "Transportation of pesticides from rural to urban areas" (.pdf), DG Environment (16 mai 2007)
- "La région Ile-de-France est polluée par les pesticides : du coeur de Paris aux zones rurales", Notre-Planète info (12 juillet 2007)