Réduction des déficits : Pour des économies durables

Publié le 09 février 2010 par Copeau @Contrepoints

Je ne saurais trop féliciter notre Président et nos ministres pour avoir lancé une offensive contre les déficits budgétaires, et pour s'être promis de « faire des économies ».

Faire des économies, c'est d'abord avoir conscience qu'il y a des gaspillages, ou du moins des coûts trop élevés en fonction des objectifs fixés. Faire des économies pour équilibrer le budget, c'est aussi affirmer sa préférence par rapport à deux autres modes de financement des dépenses publiques, aussi nuisibles l'un que l'autre : augmenter les impôts ou augmenter les dettes.

Faire des économies, c'est à la fois novateur et courageux. Novateur puisque nul gouvernement ne s'y est réellement attaché, ou y a quelque peu réussi, puisque le dernier budget de l'Etat voté en équilibre date de 1974, et puisque le déficit de la Sécurité Sociale est apparu à la même époque. Courageux en pleine crise, avec les appels au secours financier lancés par toutes les victimes de la conjoncture : banquiers, entrepreneurs, paysans, chômeurs, retraités, mal logés, et tant d'autres… La manne de l'Etat cesserait-elle de tomber du ciel ?

Je doute pourtant de l'efficacité et du réalisme de cette chasse au gaspi.

Je prends d'abord en considération l'énormité des déficits, qui représente un défi à peu près impossible à relever avec de simples « économies ». On prend par exemple comme mesure significative le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette mesure est symbolique sans doute, mais demeure quantité négligeable. Elle représente une économie d'un milliard d'euros par an, alors que le déficit avéré en 2009 aura été de 145 milliards. De même Eric Woerth déclare « On a à trouver 50 milliards d'euros » ; on est toujours loin du compte car si cette somme a été celle du déficit voté dans la loi de finances de 2009, l'exécution du budget a conduit à une dérive de 100 milliards d'euros. Evidemment on nous dira que les dérives des deux dernières années sont dues à la crise, et que cela ne se reproduira plus, ou plus aussi massivement. Mais on nous dit aussi qu'il faut prolonger la politique de relance par un programme de dépenses qui préparera le futur et nous conduira à emprunter 35 milliards. D'ailleurs doit-on se contenter de stabiliser un déficit ? L'objectif précis que se donne Eric Woerth est plutôt de « ralentir la progression des dépenses publiques ». C'est nettement insuffisant : il ne faut pas ralentir la croissance des dépenses, il faut inverser la tendance.

Il est vrai que Nicolas Sarkozy est décidé à mettre tout le poids de la Constitution dans la balance : « Les Allemands sont parvenus à un accord transpartisan sur un objectif de retour de l'équilibre qu'ils ont inscrit dans leur Constitution. Pourquoi pas en France ? » J'ai quelque doute sur la discipline des hommes politiques français, qui n'ont jamais hésité à violer la constitution chaque fois qu'à leurs yeux la situation l'exigeait. Le contrôle de constitutionnalité est sans doute plus strict à la cour de Karlsruhe qu'au Conseil Constitutionnel français (qui a validé par exemple les nationalisations en 1981). De plus cette nouvelle idée s'assortit déjà de quelques réserves : échapperaient à la rigueur constitutionnelle des dépenses publiques considérées comme inévitables, on dit « sanctuarisées ». Et on inscrit dans les toutes premières sur la liste les dépenses liées à l'environnement : ne pas toucher au Grenelle ! Sans doute ne faudra-t-il pas toucher ni au statut de la fonction publique, ni à la santé, ni aux retraites, etc.

Je peux me tromper, mais le passé de la Vème République m'inspire un certain scepticisme à l'égard de la longévité des programmes de remise en ordre de nos finances publiques. Vouloir faire des économies, c'est bien ; mais faire des économies durables c'est mieux.

Or, des économies durables ne peuvent se concevoir qu'en réduisant les occasions données à l'Etat de dépenser l'argent des contribuables. La hausse des dépenses publiques n'est pas tellement ou n'est pas seulement due aux gaspillages administratifs, mais bien plutôt à l'extension du secteur public, à la multiplication des domaines où l'Etat intervient.

En d'autres termes, la seule réponse aux déficits publics est la réduction du secteur public. C'est ce qu'ont compris et pratiqué les pays qui ont réussi depuis dix ans à diminuer leurs dépenses, et par voie de conséquence leurs déficits, comme le Canada, les Pays Bas, la Suède, etc.

Il est vrai que certains postes budgétaires sont incompressibles, comme le service de la dette (hélas le second plus gros budget actuellement), ou le paiement des traitements et des retraites des fonctionnaires. Mais quels fonctionnaires ? Réduire leur nombre sans diminuer la taille de l'administration est un non sens. Il y aura moins de fonctionnaires quand il y aura moins de ces « services publics à la française », qui n'ont en réalité aucune raison d'être soustraits à la logique du marché et de la concurrence.

Donnons aux enseignants la possibilité de choisir entre rester dans la bureaucratie de l'Education Nationale, avec des salaires médiocres et des conditions de travail peu stimulantes, ou aller porter leurs compétences à des établissements privés, librement créés et dotés d'une autonomie pédagogique et financière, comme cela s'est fait en Angleterre ou en Suède avec le système de « l'opting out ». Donnons aux assurés, au moins pour ceux qui entrent actuellement dans la vie active, le choix entre assurances privées et Sécurité Sociale ; ils auront des cotisations inférieures pour des remboursements et des pensions bien plus élevées, et ils échapperont à l'explosion du système Madoff actuel. Soumettons nous enfin aux règles européennes d'ouverture d'un grand nombre d'activités, privatisons La Poste, les chemins de fer, l'énergie, la culture, le logement, comme l'ont fait les Allemands, les Scandinaves, les pays d'Europe Centrale.

Aujourd'hui la puissance du secteur public se marque à l'importance des dépenses publiques en pourcentage du PIB. L'OCDE nous situait naguère à 54% ce qui faisait de nous de vrais champions parmi les pays développés réputés libres. Hélas : nous sommes passés en 2009 à 55,6% et il est prévu 55,9% par la loi de finances 2010. Peut-on continuer ainsi ?

Le programme libéral de réduction des dépenses publiques a toujours semblé trop audacieux aux yeux de l'intelligentsia de droite, mais il est temps de le prendre enfin en considération. Il n'est pas dit qu'il n'ait pas l'approbation de millions de Français qui voient l'injustice, le gaspillage et la violence s'installer dans le pays. Par comparaison, les promesses officielles de « faire des économies » sont au contraire tout à fait dérisoires.

Trop d'impôts c'est trop de dépenses. Trop de dépenses c'est trop d'Etat.

Texte reproduit avec l'aimable autorisation de Jacques Garello. Image : François Fillon à la réunion publique de lancement de la campagne de l'UMP pour les élections régionales de 2010 à Paris, licence CC Paternité 3.0, auteur Marie-Lan Nguyen