“Sherlock Holmes” : Remix 2010

Par Kub3

L’idée avait de quoi faire sourire. Installer Guy Ritchie aux commandes d’une franchise aussi poussiéreuses que Sherlock Holmes, il fallait oser. Lui laisser les coudées franches pour qu’il s’amuse avec la caméra comme par le passé, c’était carrément dangereux. Et pourtant, Sherlock Holmes est un film bien plus personnel que prévu. A deux-trois détails près.


Sherlock Holmes était un curieux personnage. Comme Frankenstein ou Dracula, le détective est plus connu pour ses différentes incarnations cinématographiques que pour son « existence » littéraire. Son « élémentaire mon cher Watson » n’apparaît par exemple jamais dans les différents ouvrages de Arthur Conan Doyle. Ses addictions diverses, sa sociopathie et sa mauvaise humeur légendaire ne se retrouvent quasiment pas dans les dizaines de films et de série dont il est le héros.

C’est donc avec surprise que le film suit de plus près le texte que les images. Laissant alors champ libre à Ritchie pour créer un univers. Entre un Baker Street étouffant, des ruelles sales, des docks humides et des cimetières gris, Ritchie n’innove pas mais donne une couleur différente à ce Londres des bas-fonds.

C’est derrière la caméra qu’on le retrouve, non pas en gamin farceur comme dans Snatch mais comme quasi-esthète, dès un premier travelling tremblant jusqu’à une scène d’action finale et pleine d’ampleur. On peut aussi compter sur quelques scènes plus folles, jouant sur les ralentis, commentées par un Holmes-karatéka brisant rotules et mâchoires. Enfin, dernière folie, le film flirte avec le steampunk et le fantastique, même si tout est, au final, expliqué de façon plus ou moins scientifique.

Ritchie est avant tout un cinéaste du montage et il s’en donne à cœur-joie. Les actions sont claires et limpides, parfois découpées avec une précision chirurgicale pour notre plus grand bonheur. Il est là le principal défaut mais aussi la plus grande qualité de Sherlock Holmes : c’est un beau spectacle, attrayant et vivant, resté toutefois dans les barrières de sécurité d’Hollywood. Holmes se lave les mains de la chute finale du méchant par exemple et les allusions sur les addictions diverses de Holmes – la cocaïne utilisée à l’époque comme anesthésiant pour la chirurgie oculaire – et de Watson – le jeu – sont aussi vagues que discrètes.

Plus triste encore, la présence des personnages féminins semble presque rapportée. Sans aucune influence véritable sur l’intrigue ou l’action, on a l’impression que la polémique homo-érotique entre Watson et Holmes n’ait poussé le studio à les incorporer manu militari. Polémique sans véritable fondement : le vieux couple, rappelant les bons vieux buddy movies des années 80, sauce « vieux couple sur le déclin », est jouissif.

Difficile de reprocher quoi que ce soit à ce Sherlock Holmes moderne mais divertissant, rock ‘n roll mais mainstream. On attend de voir ce que Ritchie pourra nous inventer la prochaine fois, avec un brin de folie en plus.

En salles le 3 février 2010

Photo : © Warner Bros. France