- Une minute pour une image,réponses de femme d'Agnès Varda(1975)
- La domination masculine de Patrick Jean.
Le débat était animé par Geneviève Fraisse, historienne et philosophe, Mathilde Monnier, directrice du centre chorégraphique de Montpellier, Marion Aubert, dramaturge et comédienne, Marion Guerrero, Metteuse en scène et comédienne.
Beaucoup d'émotion à la sortie de cette double projection. Si l'humour ne manquait pas, l'actualité du sujet n'a pu que sensibiliser le spectateur. Agnès Varda, plasticienne de talent, montre des femmes qui assument leur féminité et assument leur sexe de femme. Cette "minute" est une parenthèse légère fort appréciable avant le long métrage de Patrick Jean. Ce dernier , en effet, aborde avec plus de violence les aspects dramatiques de la domination masculine. Et si l'on pouffe discrètement de rire lors de l'allongement du pénis d'un monsieur X ou des explications d'un vendeur de jouets à l'esprit étriqué, on est interpellé par le graphiste qui retouche les corps des mannequins pour des magazines, par les critères que les femmes donnent de leur homme idéal lors d'un speed dating, par les femmes potiches que l'on installe dans les salons d'automobile ou encore par cette strip-teaseuse qui prétend monnayer son corps à des fins personnelles thérapeutiques.
Sous les confidences d'un groupe féministe actif québécois, on découvre l'échec relatif des mouvements de libération de la femme des années 70 et il s'esquisse au fur et à mesure du film une recrudescence d'images perturbantes.
Premier choc: la violence conjugale est la plus forte chez la nouvelle génération. Seconde réalité que l'on prend de plein fouet au travers de témoignages de femmes troublants: la violence est là tout près, presque trop banale. Toutes ces victimes ont été face à des anges qui ,de violence verbale ( menaces, insultes, reproches à répétition) en marques d'intimidation physique mesurées en arrivent aux coups et à l'homicide parfois.
Le saviez-vous? Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon. 30% des crimes sont du ressort de la violence conjugale. A croire qu'on est retourné à l'époque pré-historique!
La fin du film n'hésite pas à montrer des interventions de police, des femmes battues et en sang qui hurlent qu'on ne leur enlève pas leurs maris, des clichés effrayants de visages tuméfiés, de corps lacérés, d'un évier ensanglanté...et puis aussi, des voix, désespérées lorsque la justice les avertit " il a été libéré" et enfin cette tragédie, en 1989, à l'école polytechnique à Montréal, le meurtre de 14 femmes par Marc Lépine, 25 ans pour le mobile suivant: "je combats le féminisme".
Le point fort de ce film?
Patrick Jean, souvent, nous laisse simplement observer. Des pieds qui progressent dans la rue. Des attitudes d'attente. Des comportements en soirée. Et le spectateur réalise par lui-même combien le clivage des sexes est encore terriblement marqué. La participation de certains hommes, excédés, ne manque pas non plus de faire réfléchir. L'un s'insurge que le Québec est l'antithèse des talibans. Au Québec, il y a l'oppression de l'homme, s'indigne-t-il. Le réalisateur filme des portraits de mâles désemparés, s'estimant victimes d'un féminisme qui les désarme complètement.
"Le déclenchant, c'est pas l'autre. Le déclenchant, c'est moi."
Le féminisme aurait-il déclenché une révolution qui aurait échoué? ce mouvement féminin, aujourd'hui souvent décrié comme intolérant par nombre d'hommes, doit-il être taxé d'injustifié et n'a -t-il pas des justifications solides pour perdurer?
Qu'en est-il aujourd'hui de l'égalité entre hommes et femmes? Est-ce un mythe? Peut-on dire qu'il y a intrinsèquement une volonté masculine de ne pas perdre l'autorité? Doit-on juger positif et sain l'agressivité, le besoin de dominer qu'Eric Zemmour explique par un " l'homme est un prédateur sexuel"? Le mâle doit-il rester un animal dominant au prix de l'inconfort de sa compagne?
Qu'est-ce que la domination masculine? Une réalité naturelle ou une manipulation ancestrale des hommes?
On entend, lors du long métrage , un philosophe affirmer que l'homme est fait pour créer l'environnement tandis que la femme doit s'adapter à cet environnement. De quoi faire hurler toutes les âmes sensées! ....à moins que l'on ne rétorque ceci: n'est-ce pas une marque d'intelligence et donc de supériorité que celle d'avoir des facultés d'adaptation?
Partout dans le monde, en 2010, la libéralisation des femmes continue d'entraîner une recrudescence de la violence à leur encontre. La burka est une des expressions de cette volonté d'écraser toute tentative d'émancipation. L'homme aurait-il peur des atouts possibles de sa compagne au point de souhaiter la soumettre et les éradiquer?
Si la situation au proche-orient est clairement menaçante pour le statut de la femme, en Occident, il semblerait que les hommes ne se positionnent pas d'une manière logique vis à vis du sexe féminin. Tantôt ils les veulent soumises, sages et assidues aux tâches ménagères, tantôt coquines, perverses et objets de tous les désirs. Devant tant d'ambivalence, il n'est toujours pas facile d'être une femme et de s'affirmer. Et la culpabilité reste le nerf de cette guerre froide..... et les hommes gagnent le plus souvent grâce...aux femmes qui jouent leur jeu.
Dans le long métrage, les jouets ainsi que nombre d'éditions de livres pour enfants semblent signifier que les femmes n'ont pas vraiment d'imagination, qu'elles n'aiment pas voyager et préfèrent leur quotidien rassurant...bref qu'elles manquent de ressort....Mais attendez-là...ne serait-on pas en train de décrire bon nombre d'hommes que nous côtoyons?
Et si l'on arrivait à dire ENFIN que les femmes sont des hommes comme les autres....? Julie Cadilhac / BSCNEWS.FR