Crazy obludarium

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Le dernier article où il a été question de cirque était une comparaison un peu extrême entre le cirque dit traditionnel et les nouvelles formes plus contemporaines. Ce billet (du 2 janvier) a été beaucoup lu, ce qui témoigne d'un bel intérêt pour ce qu'on désigne aussi sous le terme de "spectacle vivant".
Je reviens d'une représentation d'OBLUDARIUM que j'oserais volontiers comparer cette fois à une revue du même ordre de celles qu'on peut voir dans les cabarets parisiens comme le Crazy Horse. Comparaison n'est pas raison : je ne dirai pas que c'est équivalent, juste que l'un m'a fait penser à l'autre malgré les différences de taille qu'on peut trouver aussi.
Il y avait de la nudité. A commencer par les gambettes du forgeron qui travaille en plein air avant et après le spectacle proprement dit. Petr Forman vient chercher les spectateurs qui piétinent sur la neige pour les conduire par groupe de vingt devant la tente de l'artisan qui actionne le soufflet de sa forge miniature. Il martèle une pièce de métal rougeoyant sur le bord de la bigorne pour l'épointer. L'enclume résonne. Le fer obéit aux coups de marteau et nous commençons à être sous emprise.
Le public réalise progressivement combien l'univers du théâtre des Frères Forman est décalé, à la frontière entre cabaret, cirque, danse et marionnettes. Après la forge c'est la diseuse de bonne aventure qui chante une complainte d'amour à une marionnette dont la manipulation se fait à vue.
Petr nous propose alors une alternative : assister à la représentation à l'étage pour avoir une vue plongeante sur la scène, ou en rez-de-chaussée pour voir les choses par en dessous. Quel que soit le choix on ne sera pas à plus de deux mètres des comédiens et la scénographie permet à tous de gouter le spectacle.
En fait nous sommes à l'intérieur d'un manège. L'espace est limité parce que nous sommes tous limités, comme l'annonce fort loyalement Petr dans son numéro de bateleur. Le plateau de la scène peut tourner à forte vitesse et nous entrainer dans un univers féérique. Il y a de formidables trouvailles visuelles qui vont rester longtemps dans les mémoires des spectateurs : le glissement du géant qui disparait de la scène comme une ombre derrière un mur, l'évolution des soldats de plomb, la danseuse automate d'une boite à musique, la nage des poissons lumineux qui évoluent dans l'espace, une écuyère qui dresse une cavalerie en évolution sur sa robe démesurée en faisant claquer son fouet, une sirène qui elle fait claquer sa queue, un autre numéro de dressage de cheval de bois qui devient plus agile et plus vivant que Pégase ...
Il y a des numéros burlesques comme ce trio de nains hydrocéphales impassibles, déterminés à aller où bon leur semble. Leurs masques finissent par sembler expressifs tant leur numéro est touchant. On espère que le lancer de couteaux au petit bonheur est truqué tant le danger est imminent ...
Il y a les défauts de prononciation de Petr, ses efforts pour nous donner une traduction multilangue de son message, ses approximations spontanées ici ... à ... (il a manifestement perdu le nom de la ville) ... la presque capitale de France, ses jongleries grammaticales : vous êtes gagné, vous êtes perdu ...
Il y a les évocations de l'univers de la comédie musicale comme ce formidable ballet des Jacques qui fait surgir les parapluies de Fred Astaire dansant sous la pluie ou des ramoneurs de Mary Poppins. Le rythme est celui des claquettes et nous ramène illico sur la scène d'une revue et la chorégraphe Veronika Svabova mérite une mention spéciale. D'ailleurs voici le strip-tease pour le moins inventif de la bête humaine, suivi plus tard de danses aux barres sur un air de musique classique que la publicité a souvent utilisé.
Tandis que le public quitte lentement le chapiteau le forgeron a repris son travail en extérieur et prépare le clou du spectacle qu'il refroidit dans le baquet d'eau glacée.
Ils sont vraiment crazy ces tchèques et leur monstruosité est toute poétique.
Obludarium est donné à l'Espace Cirque, rue Georges Suant - 92160 Antony, du 6 au 17 janvier à 20 heures (dimanche 16 heures). Navette gratuite depuis la gare RER d'Antony et le Théâtre La Piscine. Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay : 01 41 87 20 84 et www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
A Sénart, Cesson-la-Forêt du 22 janvier au 6 février tel 01 60 34 53 60 ou www.scenenationale-senart.com
Les photographies qui ne sont pas mentionnées A bride abattue proviennent du site de la compagnie : http://formanstheatre.cz