La scène de vie quotidienne qui illustre le générique est emblématique de l'american way of life qui nous est exotique : les journaux sont livrés à domicile, lancés depuis une remorque au petit matin sur le pas des portes des abonnés.
Steve Lopez (Robert Downey Jr) travaille au prestigieux Los Angeles Times et il est à la recherche d'un sujet qui serait susceptible d'accrocher ses lecteurs et de redynamiser les ventes. Le journal est en pleine crise, son mariage est un échec, et lui-même n'a plus de désir pour grand chose.
Il lui arrive de "perdre son temps" dans le Square Pershing (532 South Olive Street à Los Angeles pour ceux d'entre vous qui voudront aller vérifier sur place). L'hiver il y a une gigantesque patinoire mais l'été on s'y promène à l'ombre des palmiers.
C'est là qu'un jour il entend la musique que Nathaniel Ayers, (Jamie Foxx) joue de toute son âme. Un SDF fou de musique, jouant du violon au pied de la statue de Beethoven, voilà un sujet en or pour une chronique qui a besoin d'un nouveau souffle d'autant que le violon n'a que deux cordes.
La parution du premier texte de Lopez sur le sujet incite une violoncelliste retraitée à faire don de son instrument au pauvre homme, par l'intermédiaire du journaliste. Celui-ci se sent désormais investi de la mission de le "sauver". Il va l'apprivoiser et l'entrainer à fréquenter un centre pour sans-abris où il laisse l'instrument en dépot.
Steve ne ménage pas sa peine pour reconstituer le passé de celui qui devient son ami. Il cherche à savoir comment il a pu quitter la célèbre école de Juilliard vingt ans auparavant. Il multiplie les efforts pour ramener Nathaniel à la vie active sans comprendre qu'il s'y prend mal avec le vagabond qui souffre de schizophrénie.
La mise en scène prend parfois des formes chaotiques comme pour mieux nous rendre compte de l'état de folie dont souffre le personnage de Nathaniel. En voulant sortir des sentiers battus, il s'engage dans une voie parfois étrange rendant le film irrégulier perdant ainsi l'attention du spectateur. Il y a néanmoins une excellente interprétation de Jamie Foxx (alors que Will Smith avait été pressenti en premier) qui se serait nourri des symptômes vécus par sa propre mère -schizophrène- pour construire son personnage. Robert Downey Jr m'a souvent fait penser à Georges Clooney. Il est radicalement différent du rôle qu'il assure dans Fur, le surprenant film réalisé à partir de la vie étrange de Diane Arbus, dont j'ai relaté la biographie il y a quelques jours. Nous le verrons bientôt dans Sherlock Holmes. Et puis il y a aussi Catherine Keener qui interprète son ex-femme (elle est toujours son éditrice au journal) qui est aussi la maman de Max dans Max et les maximonstres et qui dégage une infinie douceur.
Il y a surtout les centaines de figurants authentiques qui donnent au film une puissance terrible et qui fait prendre conscience du drame de la précarité à Los Angeles où vivraient 90 000 sans-abris. Cela donne une dimension supplémentaire à ce film qui n'aborde pas "que" le thème de la schizophrénie comme avant lui, Rain man ou A beautiful Mind (qui sera diffusé sur France 2 le dimanche 31 janvier), sur la base de faits réels car on sait bien que la réalité dépasse toujours la fiction. Le film est aussi ponctué fort heureusement de scènes cocasses où l'on voit notamment le journaliste inonder sa pelouse d'urine de coyotte pour faire fuir des putois.
Ludwig van Beethoven (1770-1827) a composé 9 symphonies, 32 sonates pour piano, 10 pour violon, et bien plus encore. La statue qui le représente dans le Square Pershing est dédiée à William Andrews Clark Jr, le fondateur du Los Angeles Philharmonic Orchestra. C'est Clark lui-même qui a préféré que soit érigée la statue de son compositeur préféré plutôt que la sienne.
Merci à Sandra du blog In the mood for cinema qui m'a permis d'assister à la projection.