Roman - 170 pages
Editions Léo Scheer - août 2009
Paul (ou Polo) est un garçon de banlieue, fils d'immigréExcellente découverte ! Dès les premières pages on est totalement conquis par la plume acerbe et tendre de Saphia Azzeddine. Par son personnage aussi, entouré des copains de son âge, de sa soeur dont il critique tant l'entêtement à se présenter aux concours de miss, de ses parents, sa mère handicapée et surtout ce père qu'il ne peut admirer, mais qu'au fond de lui il respecte et aime infiniment.
(portugais ?) Contrairement à ses camarades, il est assez porté sur les mots, sur la richesse de la langue, cette langue que maîtrisent plutôt les gens de bonne famille. A part peut-être aux yeux de Priscilla, il est la risée de tous. Tant pis, il n'a pas de chance. Pas assez beau pour plaire, pas assez érudit pour impressionner. Tous les matins son père se lève à 6h pour aller faire le ménage, et souvent le soir Paul le rejoint pour l'aider dans son travail. Pas vraiment un héros son père, ses phrases sont truffées de fautes d'orthographe, sa vie est rythmée par ce travail de femme de ménage éreintant, il n'est pas toujours délicat, mais, son père, qu'est-ce qu'il l'aime !
Extrait :"Mes copains n'étaient pas là pour se foutre de moi, alors j'en ai ouvert un, j'ai même osé en lire quelques lignes. Puis une page. Et j'en ai ouvert d'autres. Une fois, j'ai lu un livre entier.J'apprenais qu'un homme pouvait prendre quatre cents pages pour dire à une femme qu'il l'aime. Quatre cents pages avant le premier baiser, trois cents avant une caresse, deux cents pour oser la regarder, cent pour se l'avouer. A l'heure où on envoie des textos quand on a envie de baiser, je trouvais ça prodigieux, vertigineux, fou, démesuré, extravagant, insensé, grandiose..."
Il y a la banlieue et sa population arc-en-ciel avec les tabous culturels, les vannes que l'on peut faire ou pas entre les communautés. L'auteur ne s'en prive pas au travers de Paul. C'est très juste et très affectueux souvent. Il y a aussi les vacances pendant lesquels on ne part pas mais pour lesquels on échafaude une destination fictive, et tous ces complexes sociaux qu'il faut masquer, habiller, ne jamais laisser paraître.Son père est d'accord avec lui : il ne faudra pas qu'il ait la même vie que la sienne. Mais Paul est moche, petit, d'une famille pauvre... Heureusement pour le lecteur : il est très drôle, et on rit beaucoup des situations, des répliques qu'il inflige, de ses pensées désobligeantes. Grâce à la plume très pincée, très vivante et très efficace de l'auteur. Une centaine de pages qui se dévorent avec un plaisir non feint puisque les éclats de rire ne peuvent être réprimés...
"L'humiliation en héritage" - Jeune Afrique
L'avis de Marie Lebrun - Ed. Léo Scheer