Afrique : le capital investissement boude l’Afrique francophone

Publié le 08 février 2010 par Okibourse

Les Afriques – Maghreb excepté, les zones anglophones l’emportent sur les zones francophones. La faible présence du capital investissement en Afrique de l’Ouest et du centre s’est confirmée en 2009.

M Le Guennou, Vice président d'ECP

Banques, télécoms, énergie et, dans une moindre mesure, NTIC ont été les principaux secteurs bénéficiaires des concours du capital investissement sur le continent africain durant l’année 2009. L’Afrique du Nord (et le Moyen-Orient) attirent autant d’investisseurs que l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est, le capital investissement n’ayant toujours pas bien intégré l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Maghreb excepté, les zones anglophones l’emportent sur les zones francophones. Une situation tirée de la synthèse de l’année 2009 réalisée par nos soins et qui devrait se poursuivre en 2010. Les premières opérations de capital bouclées en ce mois de janvier abondent dans le même sens.

Fonds publics

Les agences de développement ont commencé l’année en trombe. Ainsi, le français Proparco et l’allemand DEG ont bouclé un investissement portant sur 17 millions de dollars dans I & M Bank au Kenya, augmentant leurs participations dans le capital de cette structure de respectivement 21,7 et 11,9%. Les deux agences européennes avaient initialement co-investi 5 millions de dollars en 2007. De son côté, le britannique CDC a mobilisé 10 millions de dollars dans la phase II du fonds ShoreCap Management, dédié à la microfinance. Ce fonds, qui vise une taille cible de 100 millions de dollars, s’intéresse en particulier aux petites institutions bancaires et à la microfinance en Asie et en Afrique. Durant 2009, CDC a investi dans 16 institutions financières en Afrique et en Asie, lesquelles institutions ont investi dans 2,5 millions de micro business, avec un placement moyen de 3200 dollars.

En plus de cet engagement dans la microfinance, le fonds britannique a débloqué 100 millions de dollars à deux opérateurs spécialistes de l’Afrique, Helios et Development Partners International. Quant au fonds norvégien, Norwegian development finance institution, il vient de se mettre en joint-venture avec la Banco Africano de Investimento (BAI) pour constituer le fonds Angola Capital Partners (ACP), dont la taille cible est 100 millions de dollars. Il s’agit du premier opérateur de private equity dédié exclusivement aux investissements en Angola. Loin de là, en Afrique de l’Ouest, l’Agence multilatérale de garantie et la Banque mondiale ont conclu avec le fonds d’investissement de la Sierra Leone et le fonds Mano Cap Soros, basé à Maurice, une convention assurant le risque politique pour des investissements cumulés de 16,2 millions de dollars, réalisés par douze fonds.

Fonds privés

En dehors des agences pays, c’est sans doute le fonds américain Emerging Capital Partners qui a le plus investi en Afrique durant l’année 2009. L’institution, qui gérait 1,7 milliard de dollars en Afrique (cf. interview de Vincent Le Guennou, vice-président ECP, Les Afriques, septembre 2009), a repris la Financial Bank, groupe bancaire doté de six filiales pays et appelé à être la cheville ouvrière des acquisitions du groupe dans ce secteur. Parmi les faits saillants à retenir dans le compte de ECP, l’acquisition de blocs de contrôle dans deux sociétés de matériaux de construction en Afrique du Nord, pour un investissement de 12,4 millions de dollars au Maroc et 13,8 millions de dollars en Algérie.

L’égyptien Citadel est en train de mettre en place un fonds de 400 millions de dollars pour investir au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie. D’autre part, Citadel a constitué, courant 2009, un fonds de 500 millions de dollars avec comme rayon d’action l’Afrique du Nord et le Moyen Orient. La BEI (Banque européenne d’investissement) y a souscrit à hauteur de 15 millions de dollars. Sur le plan national, en Egypte, Citadel a lancé une institution de microfinance dénommée Tanmeyah, détenue à hauteur de 51% par sa filiale Citadel Subsidiary Gulf Bank.

Au Nigeria, Standard Chartered Private Equity, branche dédiée pour la banque éponyme, a acquis, courant janvier 2010, une participation minoritaire dans Seven Energy, leader nigérian de l’exploration du gaz pour un montant de 47, 5 millions de dollars. Pour rappel, durant l’année 2009, Standard Chartered Private Equity a ouvert un bureau à Lagos.

Sorties remarquées

L’Afrique a également vu se concrétiser quelques stratégies de sortie en 2009, négociées loin de la Bourse. Ainsi, la société de capital investissement Brait a cédé la totalité de ses parts détenues dans Net1UZPS, fournisseur des solutions de paiement en ligne, pour 124,5 millions de dollars. Le montant correspond à 16,9% du capital de Net1UEPS. La crise financière ne semble pas avoir affecté le marché sud-africain du private equity, de loin le plus dynamique du continent. Parmi les opérations qui seront bouclées durant ce premier trimestre, le volume de 100 millions de dollars initié par Agri-Vie, l’un des rares fonds qui visent en particulier l’agriculture en Afrique. Le fonds a investi récemment 6,7 millions de dollars dans New Forests Company, entreprise présente en Ouganda, Tanzanie, Rwanda et Mozambique. La faible présence de l’Afrique de l’Ouest et du centre dans la stratégie de ces fonds est sans doute une anomalie due beaucoup plus aux législations qu’à l’attractivité du marché. Et si les experts de l’Ohada, qui devaient, fin janvier, faire un bilan d’étape à Dakar, se penchaient sur la question ?

A.W.