Fouad Chouki vient de publier « Ma course en enfer » . Pour le coup, sans sombrer dans la contrefaçon, pas moyen de vous orienter dans une autre direction que celle du libraire du coin. Allez l’acheter en courant, et lisez-le, vraiment. Je l’ai dévoré ce week-end, en dépit d’une méforme fébrile qui m’a scotché sur le canapé. M’interdisant d’aller défier un grand blond sans chaussure noire prénommé Fabrice sur le 16 kms de Cestas. Fabrice si tu me lis…
… Passons.
Fouad c’est le genre de mec hyperdoué dans un sport. Naturellement. Sans se forcer. Qui a tous les talents pour grimper au firmament. Et qui s’arrête juste avant de décrocher la lune. Pour s’écraser à demi-mort dans le caniveau. Avant de se relever et de se prendre un train. Vainqueur d’à peu près toutes les compét’ chez les jeunes, devant Meddi Baala et Bob Tahri. Ex-recordman de France du 1 500 m (3′ 30′ 83 en 2003). Finaliste des championnats du monde à Paris en 2003. Suspendu pour dopage en 2003. Accusé d’un viol qu’il n’a pas commis. Détenu 7 mois en préventive en Allemagne pour une tentative d’homicide. Qu’il n’a pas commise. Aujourdhui propriétaire d’un salon de coiffure. Et bénévole dans une association caritative.
Un mec bien. Qui a tout connu.
Sa vie est un roman, il l’écrit sans romance. Ni effet de style. Ce n’est pas de la grande littérature. Mais le simple récit vérité d’une vie. Celle d’un athlète ordinaire. Dans le monde fourbe et cruel du haut niveau ordinaire. Fouad Choukri détaille tout ce qu’il faut pour réussir. Puis échouer. Ses entraînements. Ses souffrances. Ses doutes, ses affres. Ses renoncements. Son retour à l’athlé. Les tours de piste courus tel un hamster pour donner sens à une vie. Sans goût ni passion. L’athlé comme moyen d’exister. D’être connu. De gagner de l’argent. L’entraînement, encore l’entraînement, toujours l’entraînement. « Plus on se rapproche de la compétition, plus les séances de 1 500 m ressemblent à ce que je vais retrouver en course : 1 000 m en 2′20, 5 minutes de récupération, puis 500 m en 1′06, 4 minutesde récupération, puis 300 m en 36′. Enfin on termine par des séances qu’effectuent les coureurs de 800 m afin de travailler leur vitesse de course. Il s’agit de 500 m en 1′01; 400 mètres en 47′8 ; 300 mètres en 36′; 200 mètres en 24′ avec 6 minutes de récupération à chaque fois. Ce sont des moments extrêmement difficiles« .
Tu m’étonnes Fouad.
Mais tout çà ne suffit pas. Non pour réussir sur terre à décrocher les étoiles de la piste aux oeufs d’or comme dirait Mickael Vendetta, il faut y ajouter un mental. Dur comme l’acier. Impénétrable. Indéformable. Qui résiste à toutes les tentations. Un cercle de proches ultra-présents. Ultra-protecteurs. Et le dopage.
Le mental ? Fouad Chouki ne l’a jamais eu.
Les proches ? ils sont restés trop loin de lui.
Le dopage ? il y a recouru. Sans honte ni regret. Difficile de finir le 1 500 m de Monaco en ayant l’impression d’avoir un sac plastique sur la tête. Sans souffle. Les cuisses tétanisées par l’acide lactique. Dans la plus terrible des souffrances physique et mentale. Et de voir les 1ers venir gaiement le saluer. La respiration légèrement haletante. La cuisse alerte. Le cerveau tout disposé à comprendre une phrase de Sarko cité par Yann Barthès. Difficile dans ces conditions de résister au dopage. Le dopage vécu comme une évidence du haut niveau ordinaire. Un simple moyen technique de restaurer les équilibres organiques après des séances d’entraînement d’une intensité surhumaine. Du champ des seringues, Fouad Chouki n’explorera que celles contenant de l’EPO. Par crainte pour sa santé. L’EPO qui s’injecte dans l’abdomen. Des injections régulières. Presque comme celles que connaît Enzo chaque lundi. De l’EPO pour soigner à l’EPO pour gagner, il n’y a qu’un pas de géant franchi par un papa lecteur. Et un petit pas franchi pour un sportif.
Pourtant j’ai beau réfléchir. Retourner la question dans tous les sens. Je n’arrive ni à juger. Ni à condamner Fouad Chouki. Certes, comme tous les autres, il ne sort de l’ombre qu’au moment de la chute. Mais il en sort sans rien demander. Juste pour expliquer. Juste pour s’expliquer ; à lui et aux autres. Sans réclamer ni fleurs ni couronne.
C’est aussi çà le miracle de l’écriture. Quelques mots couchés sur du papier ou un écran et qui vous aident à vivre. Comme certains tours de piste.
Alors Fouad si tu me lis, y’a un mec qui s’appelle Fabrice qui finit toujours devant moi et que j’aimerais bien que tu rencontres sur le 10 kms de Saucats à la fin du mois pour que… tu l’aides à battre son record. Sans EPO. Mais à 3′20 au km mini, vitesse à laquelle tu termines désormais tes footings… pendant ce temps, moi, je me torturerai au COMPEX. Avec Enzo. En lisant ELLE.