Les regards dans le métro

Publié le 07 février 2010 par Www.streetblogger.fr

Il est vrai que je réfléchis à deux fois avant de m’engouffrer dans le métro. J’ai un bref moment d’hésitation, même si je finis toujours par le faire pour des raisons pratiques, en hiver il fait froid et je ne peux pas marcher, je n’ai pas de voiture et les distances à couvrir sont parfois trop longues même pour un marcheur obstiné.

Ce qui me pousse à réfléchir, c’est d’abord les miasmes qui emplissent les tunnels du réseau souterrain, dans le métro et le R.E.R ils sont parfois si insupportables qu’on peut se demander si en fait les passagers ne sont pas des cobayes sur lesquels la Régie ferait diverses expériences chimiques.

Certains matins les R.E.R qui circulent à des intervalles très brefs soulèvent tellement de poussière qu’on pourrait se croire dans un silo qui vient d’être rempli de grains.

Je ne pousse pas le vice jusqu’à porter un masque pour me balader sur les quais et dans les couloirs des stations du réseau paris-banlieue mais je me demande parfois si ce ne serait pas plus sage.

En plus des miasmes, ou peut être est-ce une conséquence de leur absorption trop grande et trop fréquente, le comportement des usagers est une autre source de pollution.

Je pense que si quelqu’un ouvre un dictionnaire des antonymes il trouvera à l’opposé de courtoisie les mots transport en commun.

Certains disent qu’à notre époque les gens ne se lancent plus que des regards de désir ou de haine.

Les gens qui entrent font preuve d’une cécité exceptionnelle et ne voient pas les gens qui veulent sortir. C’est peut être ce qui les pousse à se ruer dans la rame comme un troupeau de vaches pressées de rentrer à l’étable. Parfois je me dis que ce n’est pas exactement de la cécité c’est juste que les gens ne voient que leur propre image, l’image de la longue journée qu’ils vont passer qui est collée à leur rétine.

A l’intérieur de la rame, quand elle n’évoque pas l’intérieur d’une boîte de sardine dans laquelle les poissons morts gisent les uns sur les autres, les regards sont très durs. J’ai parfois l’impression de m’être égaré dans un chenil où il n’y a que des chiens féroces qui ont réussi, je ne sais comment, à sortir de leur cage et attendent que je fasse le moindre geste pour me sauter à la gorge.

Il faut donc pour survivre dans la rame une formation de dompteur ou un bon bouquin qui permet de rencontrer des choses bien plus agréables que la face d’un type hargneux qui lance un regard malveillant à quelqu’un qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam parce que sa journée l’a fait chier, son taf le fait chier, en fin de compte l’ensemble de sa vie lui donne constamment l’envie de rester le cul vissé sur le trône.

Peut être que si des cuvettes de toilettes remplaçaient les sièges dans les voitures on aurait la paix, pas olfactive mais bon on ne peut pas tout avoir.

Heureusement je croise de temps à autre le regard d’une charmante qui me réconforte et du coup me donne envie de descendre à la même station qu’elle.

De toute façon dès que j’entre dans le métro ça me donne envie de descendre à la prochaine station.

Il faut faire, paraît-il, contre mauvaise fortune bon cœur. Je crains fort qu’être de bon cœur ne soit d’aucun secours si la mauvaise fortune signifie la désertion de la courtoisie et de l’intelligence, l’augmentation de la frustration et du ressentiment, au final un mode de vie que très peu de personnes supportent, paradoxalement les plus nombreuses à vouloir le mener.

J’ai envie de leur dire, je n’y suis pour rien je ne fais que subir passivement comme vous alors ce n’est pas la peine de me regarder de cette manière.

Moi aussi je prends le métro pour aller au boulot et après rentrer faire dodo, alors je suis comme vous tout à la fois innocent et coupable. A la différence près que je ne veux faire endosser mes frustrations à personne. Alors je me disais, comme vous avez déjà consenti à ce qu’on vous couse la bouche, ça vous fera peut être rien que je vous crève les yeux pour pouvoir prendre le métro en toute quiétude. Ça sera déjà une pollution de moins.

Merci à Guillaume Laborde pour l'illustration

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