J’écrivais il y a quelques jours que les vrais problèmes sont à venir. Un vrai Jojo Savard ! Je discute avec une collègue. Sur mes genoux, son timoun desod (un enfant désordre est un enfant tannant) de3 ans joue sur mon ordinateur. On est devenus des zanmi depuis le tremblement de terre. La maison de sa mère a tenue, mais son cœur est ‘viré à l’envers’. Elle fait parti d’un groupe d’entraide créé pour aider les gens à passer à travers les tremblements de nerfs qui suivent le tremblement de terre. Son mari veut quitter pour aller rejoindre ses parents aux USA : ‘Je n’ai plus rien à faire dans ce pays’. Elle, elle pense qu’elle peut faire quelque chose pour le pays qu’elle aime, son Ayiti cheri. Quel avenir pour son timoun dans ce pays en ruine ? Elle ne dort presque plus depuis trois semaines, les tremblements de nerfs la réveillent toute la nuit. Le timoun desod est passé sur la table pour aller ‘huger’ sa mère qui a les yeux dans l’eau. Elle ne sait plus par quel bout ramasser sa vie. La femme d’un de mes partenaires est désemparée. Elle veut pouvoir profiter d’une offre de son frère montréalais qui s’est engagé à prendre en charge leurs trois jeunes pour la prochaine année, le temps que la vie se reconstruise et qu’écoles et universités recommencent à enseigner. Ils s’enfargent dans des procédures canadiennes d’immigration, comme d’autres se sont enfargés dans des blocs de béton en voulant sortir d’un immeuble qui s’écroulait. Je tente de les aider à ne pas rester pris sous les décombres, mais il semble il y avoir tellement de monde qui courre vers la porte de sorite… Après une spécialité médicale de 4 ans en France il y a plusieurs années, ce partenaire a lui aussi fait le choix de rester en Ayiti pour aider son pays. On côtoie tous les jours ces gens amoureux fous de leur pays, qui ont décidé d’y faire leur vie, d’y travailler, d’y élever des enfants, …. Ils ont vécu des ouragans, des crises politiques, des presque guerres civiles, des périodes d’enlèvements, de crises alimentaires, … Là, la coupe est pleine, elle déborde dans leurs yeux. À part pouvoir les écouter, les appuyer au meilleur de nos compétences et essayer de les encourager à kenbe (à tenir), l’impuissance nous gagne rapidement. Proche d’eux et en même temps si loin. Loin parce que pour moi, l‘ailleurs est accessible. ‘Jean-François, rappelle-toi toujours que tu es ici pour partir, et que moi je suis ici pour rester’ m’avait dit ce partenaire au début de notre collaboration. Qu’écrire de plus ?