Petit parfum de poudre sur le continent européen… Alors que la presse s’excite sur les propos de campagne des uns et des autres, qu’on se tatouille d’un côté et de l’autre au sujet de vêtements plus ou moins couvrants, et qu’on s’apostrophe violemment sur des broutilles pré-électorales, le monde continue de tourner et les problèmes, non résolus, continuent de s’empirer. Tristement, tout se déroule comme prévu.
Cela fait quelques jours que cet article mûrit, doucement, et l’article de l’Hérétique, sur la Grèce, va me fournir une bonne introduction.
En gros et pour rappel, la Grèce a truandé ses comptes pour rentrer dans le club prétendument select de l’Euro, et, de déficits bidouillés en finances gouvernementales mal fichues, s’est retrouvée fort dépourvue lorsque la bisecriiiiise fut venue. J’évoquais d’ailleurs il n’y a pas si longtemps l’affaire en détail.
Et ce qui devait arriver, arriva : exactement comme prévu, les taux d’intérêts sur la dette grecque ont commencé à grimper, ainsi que tous les collatéraux associés. Panique à bord : comme la Grèce fait, justement, partie de la zone euro, une petite baffe sur la Grèce et c’est une bonne claque sur la devise.
C’est à ce moment que les comportements, notamment des gouvernements des différents pays de la zone, deviennent bigrement intéressants. En gros, nous avons deux grandes tendances : celle qui vise à trouver un remède rapide et de préférence efficace aux problèmes soulevés, à donner, en somme, des garanties que l’ensemble de l’édifice ne va pas s’effondrer, et, de l’autre côté, celle qui consiste à courir partout les bras en l’air, en cherchant un bouc émissaire histoire de pouvoir polariser les esprits.
Evidemment, ces deux grandes catégories de réactions sont déclinées dans tous les tons possibles, et parfois, les nuances pastelles de l’action des uns ne vaut pas beaucoup mieux que les teintes légères des agitations des autres.
Ainsi, au Portugal, on tente de présenter un budget d’austérité, avant de se rétracter bien vite et de repartir sur l’option Un Peu Plus De Dettes, SVP. Evidemment, cette judicieuse option provoque une augmentation des taux. Surprenant.
En Espagne, Zapatero a décidé de mettre le pays à la diète, de 50 milliards sur 3 ans. Et ça fait pas mal réfléchir, au point que tout le monde se demande comment les écarts constatés entre le Nord et le Sud de l’Europe ne vont pas finir par avoir raison de la monnaie unique…
Mais heureusement, certains ont trouvé la vraie raison qui explique ces tensions catastrophogènes : tout ça, c’est la fotozaméricains : les vilains joueraient la perte de l’Euro pour en retirer de noirs profits.
Ce qui me laisse perplexe, c’est comment certains (à commencer par Loïc Abadie, dont les derniers billets donnent d’intéressantes pistes de réflexion sur cette crise) avaient bien pu prévoir les félonies américaines, l’écartèlement provoqué par des spreads de plus en plus importants et les bricolages des gouvernements avant les nécessaires ajustements, tout ceci bien avant que le sujet même des CDS ou des différentiels de taux soit à la mode.
Peut-être, finalement, est-ce tout simplement parce que les comportements observés sur les marchés sont (oh !) la conséquence directe de l’impécuniosité lamentable de raisonnement de nos politiciens, et non la cause des problèmes que nous observons ?
Certes, il est probable que pas mal d’opérateurs, sachant parfaitement que l’augmentation des spreads est, à terme, insupportable, ont joué en utilisant cette information à leur profit. Mais c’est, finalement, la monnaie de la pièce des politiciens qui ont eu leur tour dans ce jeu de dupes : l’inflation, les bidouilles comptables pour cacher autant que possible les engagements futurs (et intenables) des états, les empilements de promesses plus stupides et démagogiques les unes que les autres, la collectivisation outrancière des risques par la distribution large et effrénée de monnaie de singe sous forme de dettes…
Oui, à n’en pas douter, certains se jouent la Chute de l’Empire Européen sur les marchés. Mais il s’agit, ni plus ni moins, que du comportement parfaitement prévisible (et prévu) des acteurs soumis à des informations données, et elles aussi, connues : où, exactement, fut la surprise lorsqu’on annonça que Dubaï avait des problèmes pour rembourser ? Pourquoi tant d’étonnement à découvrir que les états, à chier de la dette comme des gros pachydermes incontinents, finiraient un jour par s’enliser dans leur propre purin ?
On pleure maintenant, on tremble à l’idée que, finalement, le rêve s’arrête : non, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, et bientôt la France et l’Italie ne sont plus solvables. Alors effectivement, ça défrise tous ceux qui disaient que la dette, c’est du pipeau. Les Argentins doivent rire jaune.
A cette occasion, on nous ressort donc tous les marxistes poussiéreux à la Jorion ou Lordon, ou les kéynésiens plus ou moins honteux comme Krugman ou Stiglitz, et leurs solutions (allant du : « Relançons par la dette » à « Collectivisons les Banques, z’allez voir, c’est supayr« ), déjà tentées, déjà foirées.
Par pudeur, je n’évoquerai pas en détail la fabuleuse vidéo de l’Argent Dette (v1 suivie de v2, celle dans laquelle il revient venger son frère mort au Vietnâm), dont l’empilement de contre-vérités et d’approximations économiques permet de capter les esprits impressionnables et, comme bien souvent, de désigner un bouc émissaire facile à fustiger. Jadis, on avait les remarques nauséabondes sur la finance cosmopolite apatride, maintenant, on a le méchanbanquier qui fait de la monnaie virtuelle. Bref.
Surtout, la question qui se pose maintenant n’est pas de savoir si les vilains traders veulent la peau de l’Euro, mais surtout, comment on fait pour se tirer de ce mauvais pas. En d’autres termes, faut-il aider la Grèce ? Bah en réalité, la question est surtout : en a-t-on les moyens ?
La réponse tombe comme un couperet : non.
En gros, soit on découvre (pouf, comme ça, sous un coin de table) une trentaine de milliards d’euros pour renflouer l’état hellénique, soit on demande à d’autres de le faire pour nous.
Dans la zone euro, on comprendra que trouver cette somme n’est pas exactement simple puisque, précisément, les sociales-démocraties se sont appliquées, sur les 30 dernières années, à ne surtout pas conserver de petit bas de laine en cas de difficulté. Avec des déficits consciencieusement cultivés, on n’est plus trop en fonds, là, voyez-vous.
Et pour ce qui est de l’international, demander au FMI de venir en aide à un pays de la zone Euro, ce serait exactement comme si la Californie faisait de même en pleine « zone dollar » : comme signal rassurant vers les investisseurs, je connais plus probant.
D’autant que cette « amusante » comparaison Grèce/Californie ne serait que ça s’il n’y avait pas, sur les Etats-Unis, les mêmes menaces, bien réelles, quant à la crédibilité de sa dette : malgré les petits ajustements d’Obama, les finances publiques américaines sont très préoccupantes, et les agences de notations pourraient le signifier par une dégradation du quasi-légendaire triple-A américain :
« Le projet de budget de l’administration Obama fait un premier pas vers un niveau de déficits supportable, mais il faudra aller plus loin pour que les Etats-Unis puissent conserver leur note Aaa, a déclaré mardi l’agence de notation Moody’s. »
L’avenir qui s’annonce n’est, en définitive, absolument pas rose. Oh, il ne s’agit pas ici de croire en la fin, pure et simple, de l’humanité, du capitalisme ou je ne sais quel autre rêve humide des collectivistes pour qui tout ceci est une preuve de la faillite de l’ultra-néo-libéralisme, au moment même où les démocraties socialistes n’ont jamais été aussi présentes.
Mais il est certain que pour sortir du gouffre dans lequel nous ont précipités des années d’incuries, il va falloir revoir légèrement les jolis schémas mentaux avec lesquels ont nous abreuve tant actuellement : il va devenir obligatoire de couper dans les dépenses étatiques, il va être nécessaire de revoir de fond en comble la providence obligatoire égalitariste, il sera indispensable de rendre aux individus la liberté de produire des richesses pour eux-même au lieu d’en imposer la distribution, avant même qu’elle fut produite, à tout le monde.
Je nous souhaite bon courage.