Tiens, en lisant les billets de Dédalus, de la Rénovitude ou même de Christophe (auquel j'ai déjà répondu), je me suis imaginé ce que pourrait être l'épitaphe de Rodolphe, Sans-Domicile Fixe, décédé à Paris par une froide nuit d'hiver où la température avait plongé loin sous le seuil fatidique du zéro.
Ci-gît Rodolphe, décédé le 05 février 2010. Son corps inanimé a été retrouvé dans la rue. Un quidam lui avait proposé de loger dans un petit réduit de sa co-propriété, à côté de la chaufferie, mais «une association de défense des mal-logés» l'a poursuivi en justice pour atteinte aux droits de l'humanité et de la dignité. Rodolphe est mort à l'aube. L'association a toutefois salué le courage de Rodolphe, et fustigé les pouvoirs publics et les propriétaires qui laissaient des logements vacants. Sous la pression de l'association, soutenue par de nombreux partis et personnalités de gauche, une loi est passée, criminalisant le fait de proposer de petites surfaces hors-normes aux sans-abris.
L'association et les partis se sont félicités de ce que le principe avait primé sur les odieux calculs des marchands de sommeil...
On a retrouvé Laurent samedi matin, son corps sans vie appuyé contre la porte d'un local de maintenance. Depuis la loi du 18 brumaire 05 février 2010, tous les petits locaux sont désormais fermés à clef et les sans-abris ne peuvent plus y trouver refuge par grand froid. Les propriétaires de ces petites surfaces craignent trop d'être poursuivis en justice.
François Bayrou, le leader centriste, aurait récemment suggéré un aménagement à la loi, mais une véritable bronca s'est déchaînée au sein des cercles intellectuels de gauche et sur une partie de la Toile. Le gouvernement, qui avait cédé sous la pression des «associations pour la dignité humaine», a finalement reculé et n'a pas repris la proposition de Monsieur Bayrou.
On a retrouvé Émilie dans un état très grave, ce matin. Émilie vit depuis deux ans dans la rue. Elle avait jusqu'ici trouvé refuge dans une petite remise de service dans laquelle la laissait entrer une gardienne d'immeuble. Mais, depuis la loi du 05 février 2010, il est interdit de laisser des mal-logés ou sans domicile fixe s'installer dans des surfaces qui ne sont pas aux normes. Émilie, contrainte de passer la nuit dehors, a été agressée, frappée très violemment et violée à plusieurs reprises par un groupe d'hommes. Des habitants du quartier l'ont retrouvée prostrée et en état de choc...
Conclusion : je n'ai pas l'intention de dire que le problème est simple, mais les cris de harpie de la gauche morale, (et même de certains ex-centristes ?), me font bondir. Évidemment, un parti politique ne peut avoir pour programme d'installer des malheureux dans des locaux de service, garages, réduits, remises ou même chambres minuscules. Cela n'implique pas pour autant d'empêcher des solutions d'urgence d'exister. L'excès de normes pourrait, dans ces cas graves, à l'évidence, faire disparaître les rares solutions qui persistent à la marge de la loi.
Alors l'espèce de lynchage contre Bayrou auquel se livrent pas mal d'individus sur cette question, sur le dos des mal logés, est tout simplement honteux et minable. Toutes les associations (les vraies) et les politiques (sincèrement impliqués) qui travaillent sur la question, doivent pouvoir examiner toutes les solutions sans tabou et discuter sereinement. Pas sous la menace permanente de grands principes d'autant plus grands qu'ils sont concrètement inapplicables.