Lui est espagnol. Elle, vient d’Amérique latine et ses papiers ne sont pas trop en règle. Tout comme ceux de sa mère, qui l’a rejointe en Espagne. Ils sont jeunes, ont des jobs précaires et essaient de vivre ensemble du mieux qu’ils peuvent. Angel voudrait écrire. C’est un fan de poésie. C’est un fan de Joyce. C’est aussi un fan des Doors et de Morrison.
Ana est un peu déjantée, perd rapidement son boulot. Angel aussi. Alors, tout naturellement, ils se lancent dans les braquages les plus divers pour continuer à vivre : une vieille grand-mère, une entreprise, des habitations particulières… Et Ana laisse quelque peu la bride sur le cou à son tempérament dévastateur qui la mène trop souvent à ne pas retenir son doigt sur la gâchette de son arme au point que les voilà rapidement, tous les deux, recherchés par toutes les polices du pays.
De planques sordides en nouveaux braquages, Ana et Angel s’enferrent dans une spirale sans fin dont l’issue de peut être que l’exil vers Paris ! Pendant les heures indolentes où ils se planquent sans se cacher vraiment, Angel rêve des poèmes et des romans qu’il va écrire. Dopés à toutes les drogues et tous les médicaments possibles braqués dans des pharmacies, il ne leur reste plus qu’une vision assez approximative de la réalité.
Dans un texte introductif, Roberto BOLANO explique la difficulté « d’écrire un roman à quatre mains ». Contrairement à la réponse, soi-disant classique et consistant à concéder que « les écrivains se répartissent la rédaction des chapitres », il semble bien, en effet, que le texte écrit par l’un aurait été essentiellement remis en forme par l’autre. Des années après, il n’apparaît pas que la réponse à cette question soit essentielle pour Roberto BOLANO.
Et cette vision de leur écriture commune a du sens tant il me paraît difficile, quasi impossible, de distinguer deux styles , deux mondes, deux écritures dans ce texte très cohérent d’un bout à l’autre.
Soyons clairs, mis à part l’amour immodéré d’Angel pour Morrison et les Doors ou pour Joyce et la poésie, il n’y a pas grand-chose dans le titre qui puisse donner une clef pour ouvrir ce livre qui est avant tout le récit de deux vies à la dérive, qui se sont rejointes dans quelque chose qui a certainement dû être de l’amour à un moment, mais qui ont basculé dans une complicité meurtrière au fur et à mesure de ce plongeon, par à-coups, dans la marginalité et l’exclusion ?
Ce qui n’exclut pas du tout la présence de l’amour et sa survivance à toutes les sautes d’humeur de la relation de ces deux êtres blessés. Leurs relations avec leurs familles respectives montrent des paies béantes qui ne justifient rien, mais s’intègrent dans le tout et éclairent bien des choses. En fait, ce livre est bien loin d’être seulement un noir polar bien qu’il en utilise tous les archétypes. Il est aussi un déploiement de cultures variées notamment littéraires, cinématographiques, poétiques… autour de l’œuvre d’un écrivain qui hante le héros, qui laisse planer son ombre sur l’ensemble du récit alors que sonne la musique des Doors.
Roberto Bolano
Coexistent des instants de vie paisible avec des épisodes d’une violence brute où les justifications politiques ne sont que façade et où, quand on gratte un peu, ne restent apparents qu’un nihilisme quasi désespéré et qu’un dénigrement absurde de la vie.Le texte est perturbateur qui finit sur un journal intime dont la fin reste ouverte. Rien à voir avec le « Journal de Bar » qui, en une petite douzaine de pages et une petite douzaine de jours, ouvre une fenêtre absurde sur le zinc d’un bar où vient régulièrement boire un café, un Chilien également rongé par le désir d’écrire.
Écrire serait-il un tel traumatisme ? Sa cause ? Son résultat ?
Retrouvez Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce suivi de Journal de Bar de Roberto Bolaño et A-G Porta (traduction Robert Amutio) en librairie