Table ouverte

Publié le 07 février 2010 par Jlhuss

Ratatouille ou gastronomie, la politique, on le dit souvent, est une cuisine. Il faut pour l’apprécier considérer les ingrédients, le dosage, le mélange et l’assaisonnement, la cuisson et le service. Encore doit-on attendre la digestion avant de décerner les étoiles, car à quoi sert de se pourlécher à 20 heures, si c’est pour passer la nuit aux toilettes ? Tel se goinfre dimanche qui lundi gémira… La Grille du coq, en attendant le banquet des régionales, a le plaisir d’offrir ici, avec une petite revue des tables du moment, quelques croque-en- bouche d’appareils, fours salés de cabinets, pets-de-nonne de campagne et autres boulettes de tribunes.

Après avoir longtemps marché sur des œufs en Languedoc-Roussillon, la direction des Relais et Châteaux PS a décidé de trancher dans le lard du gérant tord-boyaux d’en bas. La  dorade du Chez Georges n’est pas fraîche, le patron  sent l’ail et ne mâche pas ses mots. Sa dernière « poivrade sur œuf dur à la Fabius » a mis le feu à l’estomac de la PDG de Solferino : décision prise de lancer en face de Chez Georges un fast-food labellisé socialiste pour siphonner en mars la clientèle du gâte-sauce. Que d’hygiène héroïque après Reims !

Elle se requinque, Martine. Je ne lui donne pas 35 heures pour péter le feu. Le régime lillois porte enfin ses fruits. Ce n’est pas qu’elle maigrisse : elle s’affûte, elle a du piment, du mordant, déjà même assez de grosse tête pour lancer des « tickets ». On lui conseille de ne pas peler le marron de l’Elysée avant de l’avoir cuit : elle pourrait s’y casser les ongles, précieux atout demain dans sa castagne primaire avec Royal.

On ne l’entend plus, dame Ségolène, depuis le succès de son « émincé de modem sauce gribiche ».  Coup de blues ? Dépôt de bilan ? Je crois seulement qu’elle rafraîchit les murs. Sitôt réélue en Charente, vous la verrez prendre le beurre, l’argent du beurre (si le Berger ne change pas de crémerie), foncer aux casseroles  et nous mitonner une nouvelle formule participative à 12 euros, avec plat-bravité  et dessert-fraternitude.

Toujours rive gauche, Chez Valls  on danse, mais devant le buffet, rien sous la dent . Chez Peillon , on entre, on s’attable, on déplie sa serviette, mais voilà soudain que la serveuse Arlette déboule blême nous avertir que le patron s’est tiré aux Seychelles. Chez Bertrand, le pari de restaurer bio le bobo sur sa selle a fait long feu : en temps de crise le client veut du stable, la dînette à pédale a du plomb dans l’aile.

Les restaurants ne manquent pas non plus rive droite.

Le P’tit Sarko n’a plus la cote. Trop d’épices, une carte tonitruante pour deux rognons dans l’assiette. Ce qui avait plu chez ce chef audacieux quand il a repris la maison Jacquot  -produits roboratifs, changement du menu chaque semaine, forte présence en salle- tout cela ces temps-ci paraît ringard, limite obscène. Sa « timbale de besson » donne des brûlures ; son « vol-au-vent sauce Borloo », des renvois ; sa seringue à vaccin, pardon : sa « meringue à vacherin  au coulis de bachelot » n’a pas convaincu. Surtout l’indiscrétion du chef, toujours à pérorer parmi les tables, finit par agacer les plus patients, au point que certaines mauvaises langues vont jusqu’à dire comme Célimène dans Le Misanthrope :

« C’est un fort méchant plat, que sa sotte personne,
Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu’il donne. »

Par contrecoup Le Saint-Dominique devient tendance, austère maison sise au 57  passage Galouzeau, à côté de la place des Martyrs. Le chef fascine : un regard pivotant de grand duc sur un corps de héron cendré. Cet oiseau récite du Corneille entre le homard thermidor et le chateaubriand. Traçabilité incertaine, mais du chien. Son ambition ? Moins gagner une toque que liquider Le P’tit Sarko. Le plus court serait de l’inviter à un raout de réconciliation et de remplacer pour lui le curaço par le curare. Un premier échec ne doit jamais décourager…

Quelques autres troquets rive droite ? Le Copé, qui amuse un moment avec ses salades ; Chez Morin, qui n’ouvre que le samedi soir, mais sa « bombe glacée du colonel » a des amateurs galonnés. On signalera pour la curiosité l’inclassable  Entre-deux rives, petite salle intimiste installée sur une barge ; le chef, un Béarnais sourcilleux qui milite pour « une autre cuisine », peut se prévaloir en effet d’être le seul à servir la « sarnèze à la nage », velouté léger pour  lendemains de fêtes.

Dans un mois donc, Grand Concours de la Fourchette Décentralisée, table ouverte à travers les terroirs ! On annonce au menu final un hexagone servi rosé et son caviar de navets. Pour une surprise, c’est une surprise ! Bon appétit, messieurs, mais n’en faites pas tout un plat…

Arion