La Réunion, qui a toujours été une île dure, violente, comme les cyclones qui la visitent régulièrement, comme les stigmates de l'esclavage, puis de la société coloniale, avec ses castes, ses classes, ses places pour chacun, est devenue, dit-on, un modèle de tolérance pour le monde. Mais la Réunion à un gros problème avec son sexe.
Deux curés en prison soupçonnés d'acte de pédophilie. Un type de 26 ans qui viole une dame de 69 ans, laquelle meurt d'une crise cardiaque dans la nuit. Une cour d'assises encombrée de crimes sexuels (record de France, encore un). Des ti pères qui abusent des enfants de leur concubines, un crime que, spécificité locale, on requalifie en délit. Pour ne pas, justement, encombrer encore plus les assises...
Un chauffeur qui touche intimement une gamine de 13 ans, trisomique, la plage de l'Ermitage transformée en terrain de viol collectif, des collégiens qui saoûlent une copine de classe avant d'essayer de la violer, de "faire comme dans les films". Sale inventaire à la Prévert. On n'en est plus à parler du sexe des anges.
Les anges n'aiment pas vivre vieux, chantait Jean-Louis Aubert. Ses Cendrillon aujourd'hui sont enceintes à 12 ans. Record de France (encore un) des grossesses précoces. La Réunion à un gros problème avec son corps. Elle ne se trouve pas belle, pas désirable. Elle regarde avec étonnement sa violence, se demande pourquoi l'amour se salit toujours comme une ravine après les pluies de décembre. On ne parle plus du sexe des anges. Le 14 février, c'est la Saint-Valentin. La fête des amoureux. La fête des commerçants, qui vendront de l'amour comme Mario vendait du cul. C'est peut-être ça le problème : pendant qu'on viole, les soldes continuent.
François GILLET