J'imaginais difficilement Lewis Furey sans Carole Laure, j'imaginais mal Alice, son miroir, sans son lapin pressé et son chapelier un peu dérangé.
A la mort de Bashung, je me suis vidé de toute envie de musique vivante. En 2009, je n'ai assisté à aucun concert. Et c'est un peu par hasard que j'ai rompu le deuil, sachant que jamais, personne, nulle part ne me rendra ce qui manque, ne comblera la béance, ne compensera cette absence.
Lewis Furey, c'est difficile à dire. Ceux qui connaissent n'ont plus besoin de mots pour ce poète, chanteur, musicien, compositeur, scénariste, cinéaste, acteur et, outre diverses choses artistiques, compagnon d'une des femmes les plus illustrement bandantes (je veux dire intelligente, sensible, belle) --d'ailleurs, le beau Lewis a réalisé et interprété un court film porno impliquant son amoureuse -- de l'histoire double du cinéma et de la chanson. Ceux (celles, surtout) qui ne connaissent pas n'ont aucune raison de se fier à quelques mots révérencieux. Donc.
Au début des seventies, Lewis Furey, avec sa belle gueule, sa jolie voix, son imagination débordante taillait des croupières à David Bowie et Lou Reed (voir plus loin). Mais il a difficilement accepté son statut confortable financièrement, mais quelque peu débilitant et dangereux s'agissant des rencontres et des stupéfiants de star du rock. Alors, il a cherché autre chose, du côté de la création artistique permanente, de la remise en cause personnelle et de l'ambition. David Bowie et Lou Reed aussi ont tout fait pour ne pas ressembler à leur propre avatar et pour construire une vie de créateurs passionnante, mais le truc c'est juste qu'eux ont assumé, ce statut d'icône, ce que Lewis Furey a fui.
Surtout, Lewis a rencontré Carole, femme et amante et muse, symbole de la libération sexuelle dans le bonheur assumé,
Me sachant ce soir, à l'Européen, à quelques mètres de cette femme qui participe d'une plus belle histoire que la notre, je me sentais tout chose.
Reste à parler du concert. J'ai filmé un peu, mais le résultat est nul, pas assez de lumière, ambiance intime et c'est justement le bonheur de cette rencontre. Lewis nous reçoit en toute intimité, avec son (autre) pianiste, Alcibiade Minel, ses deux choristes magiques, Sophie Hart et Valérie Belinda, ainsi que sa fille Clara.
C'est sérieux et fantasque, classique et surprenant, l'ombre portée de Bowie et Reed, mais aussi, bien sûr, de Kurt Weill (Marianne Faithfull aurait fait une comparse délicieuse) et, curieusement de Brahms (Lewis est un classique refoulé) dessinait des jeux d'ombre et de lumière dans ce récital entre Berlin (Weimar et Lou Reed ?) et Buenos Aires (le tango, omniprésent). Facile à assimiler, terriblement artiste et pourtant familial quand la jeune Clara vient se montrer la digne élève de sa mère. Sa tenue surprend, mais sa voix et sa hargne séduisent.
Ça se termine dimanche, en matinée et il reste des places. Alors, si le cœur vous dit de passer deux heures intelligentes et sensibles avec un Lewis Furey qui en veut manifestement, l'Européen, c'est juste à côté de la station Place de Clichy. Le quartier d'Antoine Doinel.
La vidéo qui suit, pas mal faite, est comme une bande-annonce. Il y en a plus sur You Tube. Mais ne comptez pas trouver les disques de Furey dans les bacs. Trois sont sortis des presses, mais n'ont pas trouvé de distributeur en France.
Étonnant, non ?