Escapade bordelaise (2)
Le cheval de fer de l’ère moderne, le TGV est doté de pouvoirs exceptionnels. Il relie le nord de la France aux plaines d’Aquitaine en 5 heures, à une vitesse quasiment fulgurante, réduisant les voitures au rang de gastéropodes indolents. Dévoreur d’espace, il a, aussi, la faculté de remonter le temps en se jouant , si j’ose dire, en un clin d’œil, des 350 millions d’années qui séparent le bassin houiller carbonifère du nord de la France, des sables et graves tertiaires ou quaternaires du Libournais, et en s’offrant le luxe de saluer, au passage les calcaires crétacés du Turonien, puis les formations carbonatés jurassiques du seuil du Poitou. Mais la vertu première du TGV, en reculant les frontières du temps, n’est-elle pas de rapprocher ou d’unir les cœurs et les corps des être humains que les hasards de la vie ont dispersés par monts et par vaux, dans des lointains difficilement conciliables ? Ainsi, notre cheval de fer a permis à Isabelle de me rejoindre, pour un court week-end de la mi-janvier, dans mes terres girondines d’adoption qu’elle aime tant.
Ce fut, une nouvelle fois un délicieux et merveilleux moment de gastronomie, de complicité, et de communion, autour de nos passions communes : les mets et les vins.
Je ne reviendrai pas sur le menu, décrit dans la chronique d’Isabelle.
http://rivedroite.canalblog.com/archives/2010/01/30/index.html
Les vins dégustés pour eux-mêmes
Saint Emilion : Vieux Château Chauvin 1998
La robe est profonde, soutenue, avec un fin liseré pourpre au bord du verre. L’olfaction est pure, intense, avec des arômes de cerises noires, de cassis et de mûres qu’accompagnent, avec subtilité et élégance, des parfums d’épices douces, de chocolat et de café ( moka). Superbe bouche à la fois généreuse et dense avec des tannins racés au toucher très velouté à soyeux, très belle chair associée à des fruits mûrs et flamboyants dans un centre sphérique et compact, la longue finale aux saveurs éclatantes de fruits, d’épices, avec des notes fines de café et de très léger cacao est intense, dynamisée par la très belle acidité « mûre « du millésime (remarquable en rive droite) Noté 17,5.
48 heures plus tard, le vin n’a pas bougé d’un iota. Superbe !
Saint Emilion : Premier Cru Classé B : Belair 1989
La robe est moyennement soutenue, de couleur rubis à grenat, avec des nuances tirant vers des couleurs orangées, le nez est subtil, d’une bonne intensité, avec des parfums de truffes noires, d’humus, de cerises, de prunes sauvages, des notes d’épices et de violettes. Des tannins fins et élégants sont perceptibles dès l’attaque, le vin s’installe sans outrecuidance en milieu de bouche, un ton légèrement au dessus de son entrée en bouche, avec une chair délicate, et des fruits présents mais sans grand relief, le corps est svelte, la finale, longiligne, laisse entrevoir des tannins un peu plus fermes, les saveurs sont assez complexes, petite astringence en ultime sensation. Noté 15,5
Sauternes : Guiraud 1990
La robe est ambrée avec des larmes grasses, l’olfaction est nette, intense, et complexe, magnifiée par des arômes d’abricots au premier plan, puis de dates confites, de cire, de mangue, de miel de figues, de curry et de safran . Grande bouche grasse, opulente, avec des fruits parfaitement rôtis qui signent une année de grand botrytis, de l’ampleur, du volume, de l’onctuosité dans un milieu de bouche aux saveurs intenses qui se prolongent dans une longue finale riche opulente, aux fruits confits, épicée, sans lourdeur ( fine acidité sous jacente ). Noté 17,5
Accords
Il fallait pour accompagner le foie gras au café, rechercher un vin qui offre une unité de saveurs, et s’accommode des notes de café torréfié utilisé pour élaborer ce mets. Un vin de la rive droite, à l’élevage luxueux, s’imposait, la qualité du grain tannique était aussi obligatoire. Le vin et le foie gras ont formé un duo très pertinent et harmonieux, les tannins très veloutés à soyeux du Vieux Château Chauvin n’ont jamais étouffé le moelleux du foie, les fruits très purs, les épices douces, et les arômes de café finement chocolaté se sont répondu avec justesse, la superbe acidité « mûre » du Saint Emilion dans le millésime 1998 a donné du pep au mets. Un accord parfaitement réussi »
Le bouillon aux pleurotes, nous a neutralisé le palais entre deux vins aux styles radicalement différents : la puissance et la modernité de Vieux Château Chauvin 1998 face à la finesse et au délié de Belair 1989.
Belair 1989 a ajouté sa délicatesse à celle de la chair du veau, et a contribué à maintenir un bon équilibre entre le vin et la viande. Le chou rouge confit aux griottes est un accompagnement captivant et très séduisant. Le goût sucré du chou est contrebalancé par les saveurs aigres-douces des griottes donnant en bouche une intensité aromatique et une tonicité épatantes. Belair, manque un peu de fruits, qui ont été supplantés par des arômes tertiaires, aussi l’apport des griottes donne comme une nouvelle jeunesse au vin, qui de ce fait s’est bien fondu avec ce plat. Je pense qu’un vin de Bourgogne, et en particulier l’excellent Beaune « Vignes de l’Enfant Jésus 2002 de Bouchard « aurait magnifié ce mets
Le Saint-Nectaire avec ses notes de noisettes, évoque les verts pâturages auvergnats et leur côté terrien qui, me semble-t-il demande un vin un peu plus âgé que le Vieux Château Chauvin 1998 et plus charpenté que Belair. Un Bordeaux de la rive gauche d’une vingtaine d’années aurait mieux convenu.
La complexité et l’intensité de la palette aromatique du Sauternes laissait présager que le dessert allait être dominé par le vin, mais l'acidité des mangues et des fruits de la passion a rehaussé les arômes du plat pour les hisser à la hauteur de ceux de Guiraud 1990. Le gras, la richesse, le moelleux du vin, né d’un millésime solaire, ont été rééquilibrés par la fraîcheur et la vivacité des fruits exotiques du dessert. Un très grand plaisir en bouche, et d’une rare persistance.
Daniel