Irlandais et Italiens nous pardonnerons, mais le véritable coup d'envoi du Tournoi 2010 a été donné ce soir à l'occasion de la rencontre entre l'Angleterre et le Pays de Galles.
On
dira ce qu’on voudra, mais un « Swing low, sweet chariot »
n’a pas tout à fait la même saveur lorsqu’il est
entonné lors du Tournoi. Dans un Twickenham rempli jusqu’aux
cintres, l’hymne résonnait comme un avertissement : même
pâlotte, la rose a toujours des épines.
Pâlotte la rose, mais élégante : les sujets de sa Très gracieuse
majesté arboraient un fort seyant maillot, à l’occasion du
centième anniversaire du temple du rugby anglais. Un maillot avec
un col, un vrai, comme le rugby s'enorgueillissait d'en porter
avant que le professionnalisme ne le remise au rang des vieux
souvenirs pour le remplacer par un tour de cou hideux.
La première mi-temps du match fut placée sous le double signe du
combat, tout particulièrement entre avants, et de la défense. Celle
des Gallois, en mode "rush", se voulait agressive. Elle fut aussi à
la limite de la régularité. Un croc en jambe d'Alun Wyn Jones
vaudra un carton jaune au deuxième ligne des Ospreys. Avec de
grosses conséquences : avec un joueur en moins, les Gallois ont
fini par concéder un essai, au terme d’un pilonnage en règle
des avants Anglais juste avant la mi-temps. Puis au retour des
vestiaires, sur une récupération autoritaire du ballon dans un
ruck, les hommes de Martin Johnson ont doublé la mise. En dix
minutes, les hommes de Warren Gatland ont encaissé un 14-0 qui
sonnait comme un coup de massue.
A vrai dire, on pensait, à ce moment du match, le XV de la rose sûr
de son fait. Et on s’attendait même à voir craquer
définitivement les diables rouges. Menés de 17 points, les Gallois
se sont pourtant décidés à réagir, et plus seulement à défendre.
Jouant enfin au ballon, tentant des angles de courses tranchants
avec des soutiens offensifs opportuns, les Gallois ont peu à peu
fait vaciller l’assurance anglaise. Ils parvinrent à inscrire
un essai, celui de l’espoir (20 à 10, à trente minutes du
terme).
Les
débats s’équilibrèrent ensuite, chaque équipe se procurant
tour à tour des demi-occasions d’inscrire des points. Mais
fautes de main et mauvais choix ont longtemps permis aux défenses
de prendre le pas sur les attaques. Jusqu'à un exploit personnel de
James Hook, pourtant en difficulté pendant les soixante-dix
premières minutes, autorisant les Gallois à équilibrer au score un
match qui l’était sur le terrain (20 – 17 à la 72ème
minute).
Les
dix dernières minutes furent assez haletantes, le Pays de Galles
paraissant en mesure de réussir l'impensable renversement de
situation.
Et
alors qu’on les trouvaient faiblissants, les Anglais
parvinrent à reprendre le large grâce à une interception de Delon
Armitage conclue par James Haskell (2 essais pour le flanker du
Stade Français). Une dernière pénalité de Jonny Wilkinson (monsieur
100% lors de ce match) donnait au score une ampleur que la première
mi-temps ne laissait pas forcément présager (30-17, score
final).
Au final, on aura assisté à vingt minutes de rugby d'attaque, ce
qui est correct, mais quelque peu décevant pour une fête de
centenaire. Les joueurs anglais ont alterné le bon et le moyen,
tant il est clair que l'intensité ne fait pas tout. Les Diables
rouges ont quant à eux développé par intermittence le rugby qui les
avait faits roi d’Europe il y a deux ans.
Même
dangereux, le Pays de Galles n’est plus tout à fait celui qui
éclaboussa de son talent le Tournoi 2008.
Même
en retrait, l'Angleterre demeure capable d'imposer un gros combat à
ses adversaires et d'éclairer, par instant, la grisaille de son
rugby.