La galaxie des médias sociaux est toute jeune, à peine quelques années. Elle rapproche et éloigne, crée de nouveaux liens, en efface d’autres. L’homme, cette monade, est essentiellement tissé de relations qui, le traversant, le constituent. C’est un être structurel qui vit dans un enchâssement d’éco-systèmes entremêlés : famille, tribu, quartier, ville, pays, intérêt, travail etc…
Twitter est le dernier né, le cadet. Il est exponentiel et très brouillon. De loin, il apparaît comme une cacophonie indomptable, un flot ininterrompu et insaisissable, indécis entre le corpuscule (l’info) et l’onde (le flux). Survolez une ville en avion et vous aurez le même sentiment. Quand on perçoit l’ensemble, on perd le sens en se disant que tout ça est dérisoire et quand la vue se focalise et suit, admettons, une voiture, tout reprend son sens, mais on perd la vision d’ensemble.
Toute vision synoptique, comme cette vidéo, devient, par la perte du sens, esthétique. C’est la façon globalisante de voir ce territoire d’échanges où le regard ne peut que se perdre.
Si on ouvre un compte Twitter, la vision subjective redonne un sens. On redescend au ras du sol et l’image qui vient est celle d’une forêt insondable et sans repères. A vouloir tout saisir, tout vous échappera parce que c’est un déploiement d’informations qui pourrait ressembler à des ondes entremêlées à la surface de l’eau.
Il faut opérer un changement d’optique dans la synthèse des informations. Vous vous trouvez devant une Time Line anarchique où vont déferler des litanies d’objets hétéroclites : liens, pensées, aphorismes, bribes de discussions, jeux de mots, actus etc…Vous focalisant sur un item, vous perdez tout le reste. Restant à regarder le défilement, comme coule un fleuve, vous perdez votre temps. Et le choix se situe entre les deux. Et c’est vrai qu’il faut considérer l’approche de Twitter, ce fleuve insensé et tumultueux (où louvoie la baleine) comme une navigation qui comporte de l’irrationnel.
Il y a peu, claironnaient quelques médias bien figés : télé, radio et journaux. L’info était un aliment « objectif », palpable, assignable. La nouvelle galaxie éclate l’idée même d’info objective par l’instauration d’un bruissement généralisé (les fameux pépiements = twitts) qui éradique la notion de hiérarchie centralisée. Cette liberté d’échanges, contrairement à ce qu’on pense, tue la rumeur, la brocarde à une vitesse fabuleuse. Autant un hoax va naître dans un quartier de Twitter et s’embraser de manière fulgurante, autant le contre feu sera allumé rapidement. Je n’ai jamais vu de rumeurs perdurer sur le réseau.
Twitter est limité à 140 caractères. L’alphabet est bien limité à 26 lettres. C’est le chant subtil des oiseaux dans un arbre planétaire. Un jour, la grosse baleine aura sans doute besoin de ce babil pour retrouver un peu de l’insondable légèreté de l’être.